lundi 4 mai 2020

Ça grouille là dessous !

Petite devinette : Ils sont des millions de milliards tout autour de nous et il y en a des millions de sortes différentes, mais on n’est pas foutu de les voir alors que c’est grâce à eux si on est là. Qui sont-ils ?

Bien évidemment, ce sont les microorganismes!

En ces temps où on parle de virus, de maladie et de pandémie, il fait bon de rappeler que tous les « microbes » (si tant est que les virus en soient) ne sont pas des pathogènes. D’ailleurs, une très faible partie des microorganismes sont pathogènes pour l’homme, pour les animaux ou pour les plantes. Le problème, c’est que dès que l’un d’entre eux fait une bêtise, on en entend parler à tout va, et on stigmatise toute la communauté. En réalité, la très grande majorité des microorganismes joue un rôle crucial et bénéfique pour les écosystèmes et pour l’être humain.

Pour vous expliquer cela, je vais m’intéresser à ce qui se passe sous nos pieds. Non, pas à vos chaussettes… mais dans la « terre » comme on l’appelle communément. En sciences, le terme de rigueur c’est « sol ».  Le sol est généralement perçu comme un « truc » (on ne sait pas trop bien ce que c’est, pourtant Boris nous en parlait déjà dans un contexte un peu particulier) sur lequel on marche, sur lequel on construit des bâtiments, dans lequel on enterre nos morts. C’est sale quand on s’amuse à jardiner et invisible quand on roule en voiture. Mais contrairement à l’idée qu’on s’en fait, le sol est une mine d’or, un trésor inestimable et avant tout un patrimoine universel. 

Le sol (celui-là même qui est sous vos pieds, nul besoin de voyager) est la 3ème frontière biotique de notre planète. Tout comme les grands fonds océaniques et les canopées des forêts équatoriales, il renferme une biodiversité extraordinaire qui est malheureusement en grande partie inaccessible. 

Après "Space. The last frontier", le prochain épisode sur les sols ?

Comme on le voit sur le graphe ci-dessous, ce sont les bactéries et les moisissures (aussi appelées champignons), donc les microbes, qui dominent cette diversité invisible. Pour vous rendre compte, un gramme de sol (une cuillère à soupe en gros) contient jusqu’à 10 milliards de bactéries et compte jusqu’à 1 million d’espèces de bactéries. Alors impressionnés ?!

Proportion d'organismes vivants dans le sol (Atlas du Sol 2016)


Mais ce n’est pas tout. Toute cette diversité microbienne, en vivant sa petite vie, met en œuvre un grand nombre de fonctions qui se traduisent par des services écosystémiques. Ça veut tout simplement dire que les microorganismes travaillent pour nous. Sans eux, la surface de la terre serait couverte de cadavres d’animaux et de végétaux. Les microorganismes dégradent cette matière organique morte en éléments minéraux. Cette minéralisation participe au recyclage des éléments comme le carbone, l’azote, le phosphore et le soufre, qui sont les principaux constituants de la matière. Cette transformation de la matière organique en minéraux contribue à la fertilité du sol, nécessaire au développement, à la croissance et au maintien des plantes. Les microorganismes sont aussi impliqués dans la structuration physique du sol, sans quoi le sol ne pourrait être un support de construction ou de production agricole. Ajouté à cela, les microorganismes du sol jouent un rôle dans la protection sanitaire de l’être humain en participant à la dépollution de l’eau, de l’air et du sol d’une part et d’autre part en formant une barrière contre l’invasion de pathogènes. En effet la nature n’aime pas le vide, donc une diversité microbienne suffisante dans le sol empêchera les pathogènes opportunistes de se développer. Les microorganismes du sol nous rendent de nombreux autres services, et certains sont probablement encore inconnus et insoupçonnés. Mais ce qui est sûr c’est que nos modes de vie sont intimement liés à tous ces services dont on use (et abuse) gratuitement. 

Si vous avez compris l’importance des microorganismes dans les sols, alors vous avez compris l’intérêt de les étudier et de savoir comment tout cela fonctionne. Mais étudier des microorganismes, invisibles à l’œil, et qu’on ne connaît pas, ça ne doit pas être évident vous me direz… Heureusement, depuis une vingtaine d’années, les recherches en écologie microbienne bénéficient des nouvelles technologies développées au départ pour les recherches médicales. Une petite dizaine d’années après le lancement du projet de séquençage du génome humain en 1988, on s’est mis à vouloir séquencer le génome du sol. Ou plus précisément le métagénome, qui est l’ensemble de tous les génomes des microorganismes vivants dans le sol. Vous l’aurez compris… on étudie les microorganismes du sol grâce à leur ADN. Plutôt fûté mais assez complexe techniquement parlant ! Le séquençage nous dit qui est là et en quelle quantité, dans la limite des capacités de détection. Maintenant qu’on arrive à toucher du bout du doigt cette immense diversité microbienne, les bases de données qui inventorient la diversité augmentent de façon exponentielle. Le plus gros problème auquel les chercheurs se confrontent aujourd’hui, c’est le temps nécessaire pour recueillir des informations sur chaque espèce, ses fonctions et son écologie. Je ne vous en dis pas plus aujourd’hui, mais promis je reviens très vite pour vous parler de ces petites merveilles de la nature. 

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