La question de l’œuf et de la poule est résolue depuis bien longtemps. Des œufs, on en trouve partout sur l’arbre du vivant, bien avant l’apparition des oiseaux. A coquille dure ou avec une enveloppe protectrice molle, pondus déjà fécondés ou expulsés dans l’environnement en attente de la semence des mâles, aux formes et aux couleurs variables, bref, une belle omelette bien diversifiée. Certains groupes comme les mammifères ont changé de mœurs au cours de l’évolution, adoptant par exemple la gestation dans le bidon. A contrario, les œufs restent la norme pour pas mal d’organismes, et notamment les Actinoptérygiens (appelons les « poissons » pour simplifier !)
Chez les poissons donc, madame pond des œufs pas encore fécondés directement dans l’environnement, sur lesquels ces messieurs enverront des nuées de spermatozoïdes. Ceux-ci savent nager de toute façon, ils arriveront bien à trouver les œufs à féconder. Parents attentifs ou aux abonnés absents, l’accompagnement de la progéniture jusqu’à l’éclosion est variable selon l’espèce. Tellement variable même, que certaines espèces ont suivi l’exemple des mammifères, en adoptant la stratégie d’arrêter de pondre des œufs… et d’enfanter des jeunes bel et bien formés !
Exit les œufs ? Eh bien non, on parle plutôt d’ovoviviparité. Les ovocytes sont fécondés à l’intérieur de la femelle, qui incubera les œufs dans son corps. Ceux-ci assurent donc le nourrissage des jeunes jusqu’à l’éclosion, qui a lieu plus ou moins longtemps avant la naissance des alevins. Et qui dit fécondation interne dit… accouplement ! Pour faciliter la chose, certains poissons sont équipés d’un gonopode, une nageoire modifiée qui leur permet d’amener leur semence dans le corps de madame. Un équivalent-pénis quoi.
Gambusia affinis, un poisson de la famille des Poeciliidae dont le gonopode, sous le corps, est particulièrement bien développé. |
L’ovoviviparité est particulièrement répandue dans le groupe des Poeciliidae, qui comprend notamment les guppys, particulièrement appréciés des aquariophiles. Deux nouvelles espèces de poissons ovovivipares appartenant à ce groupe viennent tout juste d’être découvertes dans les Caraïbes, sur l’île d’Hispaniola (partagée par Haïti et la République dominicaine). Limia islai et Limia mandibularis rejoignent donc la liste des 18 espèces du genre Limia qui sont endémiques de cette île, dont la moitié qui ne sont trouvées que dans un seul lac, le lac Miragoane. De tels hotspots de biodiversité soulignent l’importance d’études scientifiques locales dans des pays où l’expertise scientifique et naturaliste reste à développer. Il ne s’agirait pas que des espèces aussi intrigantes disparaissent avant même qu’on ait connaissance de leur existence…
Références
- Rodriguez-Silva, R. & Weaver, P.F. (2020) A new livebearing fish of the genus Limia (Cyprinodontiformes: Poeciliidae) from Lake Miragoane, Haiti. Journal of Fish Biology.
- Rodriguez-Silva, Rodet, Patricia Torres-Pineda & James Josaphat. 2020. Limia mandibularis, a new livebearing fish (Cyprinodontiformes: Poeciliidae) from Lake Miragoane, Haiti. Zootaxa 4768(3): 395–404.
La majorité des auteurs de ces deux études sont originaires de différents pays des Caraïbes, et leurs travaux sont soutenus par l’association Caribaea Initiative, qui œuvre pour le développement d’une expertise locale d'étude et de protection de la biodiversité des Caraïbes.
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