dimanche 16 octobre 2011

Un problème épineux...

« - Un mouton, s’il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs ?
- Un mouton mange tout ce qu’il rencontre.
- Même les fleurs avec les épines ?
- Oui. Même les fleurs qui ont des épines.
- Alors les épines, à quoi servent-elles ? »
Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry
Par cette innocente question, le Petit Prince posait à l’aviateur un véritable problème : c’est vrai, ça ! A quoi servent les épines des fleurs ? Et surtout, pourquoi les fleurs ont-elles des épines ?
Tout d’abord, il faut savoir que ce que l’on appelle « épine » au sein du règne végétal peut correspondre à plusieurs choses : on retrouve des épines chez les Cactus, par exemple, mais aussi chez certaines plantes de la famille des Rosacées (telles que les Roses, qu’elles soient sauvages ou domestiques) mais aussi certaines Fabacées (anciennement appelées Légumineuses, plantes de la famille des Haricots, Petits Pois, Fèves…). Mais attention à ne pas confondre les épines et les aiguilles : ainsi, les aiguilles sont en réalité des feuilles transformées mais réalisant toutes leurs fonctions (respiration, photosynthèse…) chez des plantes comme les Pinophytes (encore appelées Conifères). Les épines… correspondent à autre chose et je vais maintenant vous en parler.
« - Les épines, à quoi servent-elles ?
[…]
- Les épines, ça ne sert à rien, c’est de la pure méchanceté de la part des fleurs ! »
Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry
Pas exactement. Prenons pour cela l’exemple de la Rose, comme dans le livre du Petit Prince. Tout le monde a déjà vu une Rose, dans un jardin, chez le fleuriste, ou même en photo. Si vous avez déjà composé un bouquet avec les Roses cueillies dans votre jardin, vous vous êtes certainement piqué avec leurs épines. Cela signifie que leur présence a donc une quelconque utilité pour la plante : se protéger contre les prédateurs ! En l’occurrence, le jardinier.
La présence d’épines sur la tige des Rosiers peut s’expliquer par un mécanisme dont nous avons déjà parlé : la sélection. Il faut imaginer une population ancestrale de Rosiers, dans laquelle tous les individus n’ont pas forcément des épines, et tous n’ont même pas forcément un nombre d’épine égal entre eux. Arrive un prédateur : un herbivore quelconque. Il mange tous les pieds de Rosiers qui n’ont pas d’épines : ne restent que les plantes qui possédaient des épines et qui ont été délaissées par l’herbivore, car trop difficiles à manger en entier. Seules ces plantes pourront transmettre à leurs descendants l’information génétique nécessaire à la formation de leurs épines.
Cette histoire hypothétique est une explication simplifiée d’un des phénomènes qui entre en jeu dans l’évolution darwinienne.
Paradoxalement, à l’heure actuelle, les jardiniers cherchent à réduire le nombre d’épines présentes sur les tiges des Rosiers (c’est toujours désagréable d’offrir un bouquet plein d’épines !) : pour cela, ils sélectionnent à l’inverse les Rosiers qui possèdent un faible nombre d’épines sur leurs tiges et effectuent des croisements de manière à obtenir des descendants qui portent encore moins d’épines.

Dans le cas de la Rose, les épines présentes sur la tige ne sont donc que des expansions épidermiques et ne sont pas dérivées d’une autre structure préexistante, servant au départ à autre chose. Ce qui n’est pas le cas des épines des Robiniers (dont le nom scientifique est Robinia pseudoacacia).

A gauche, un rameau de Robinia pseudoacacia dépourvu de ses feuilles mais laissant apparaître les stipules transformées en épines ; à droite, aperçu du feuillage de Robinia pseudoacacia.
Chez le Robinier, les épines sont en réalité des stipules* transformées. Elles sont aussi utiles à la plante pour réduire le nombre de ses prédateurs (en particulier les grands herbivores) mais ne sont pas d’un grand secours face aux Insectes ou aux Mollusques comme les Escargots, qui se régalent de ses feuilles.
Chez les Rosiers comme chez les Robiniers, les épines ont donc pour fonction de protéger la plante face aux animaux brouteurs… mais il y a encore un type d’épines dont nous n’avons pas parlé. Les épines des Cactus !
Ces épines là n’ont rien à voir avec les deux exemples cités plus haut. En effet, évolutivement parlant, les épines des Cactus sont… des feuilles ! Mais, me direz-vous, comment un Cactus peut il utiliser ses feuilles pour effectuer la photosynthèse et pour respirer ?** Eh bien… il ne peut pas, tout simplement ! Ses feuilles sont trop réduites pour lui permettre de les utiliser. En clair, elles ne possèdent plus toute la machinerie cellulaire nécessaire pour réaliser la réaction de photosynthèse. Comment fait-il pour fabriquer ses sucres, pour échanger avec le milieu extérieur, s’il n’a pas de feuilles fonctionnelles ? Eh bien… il utilise la tige !
Je m’explique. En règle générale, on trouve les Cactus dans les milieux secs, arides, désertiques, brefs, les milieux où l’eau se fait rare. Il faut donc faire des économies de ce précieux liquide. Certaines plantes ont donc évolué de manière à garder leur eau au maximum, et à n’en laisser échapper que le strict nécessaire. Comme les échanges d’eau s’effectuent en temps normal au niveau des feuilles et que plus la surface foliaire est grande et plus la perte d’eau est importante, on observe une tendance à la réduction des surfaces d’échange lorsqu’on se trouve en milieu sec. Bien évidement, ce que je veux dire, ce n’est pas que les plantes ont conscience du fait qu’elles doivent réduire leur surface foliaire pour survire… je veux dire plutôt que certains individus, possédant des feuilles plus petites dès le commencement de leur croissance, vont pouvoir mieux se développer en milieu aride et qu’ils transmettront cette caractéristique à leurs descendants – encore une histoire de sélection ! – jusqu’à ne plus avoir de surface d’échange du tout, dans le cas des Cactus ! Et puisque la fonction de photosynthèse est obligatoire pour la survie de la plante, cette fonction est réalisée par les tissus de la tige. D’où la présence d’une tige toute verte et toute gonflée chez les Cactus.

A gauche, Pediocarpus simpsonii, à droite, Arrojadoa penicillata. Ces deux Cactus possèdent des tiges gorgées d'eau, lieu de la photosynthèse.
Souvenez-vous, la photosynthèse nécessite de l’eau et du dioxyde de carbone en quantité. En milieu aride, l’eau est puisée dans le sol puis stockée par les Cactus dans leurs tissus de réserves présents dans la tige. C’est également dans la tige que se retrouve la machinerie cellulaire responsable de la photosynthèse, comme je l’ai dit plus haut.
Nous avons de l’eau… il nous manque le dioxyde de carbone. Celui-ci se trouve dans l’air qui entoure notre Cactus. Oui, mais voilà : si les stomates s’ouvrent pendant la journée, toute l’eau contenue dans la tige va s’échapper par évaporation… et notre Cactus va devenir tout sec et mourir ! Comment faire pour récupérer le précieux gaz carbonique sans se transformer en Cactus lyophilisé ?
Certaines plantes, dont les Cactus, on trouvé la parade : elles n’ouvrent pas leurs stomates la journée, ce qui leur permet de conserver leur eau. Les stomates s’ouvrent la nuit, afin de permettre au CO2 d’entrer dans la plante et de réagir avec l’eau dans le cadre de la photosynthèse. Fastoche me direz vous ! Pourquoi toutes les plantes ne fonctionnent elles pas comme ça ?
Il ne faut pas oublier que la photosynthèse a lieu grâce à l’énergie du Soleil… et le Soleil, en pleine nuit… se fait rare. Alors, il existe bien un mécanisme qui permet aux Cactus de fonctionner la nuit : c'est le métabolisme CAM (pour Crassulacean acid metabolism), qui leur permet de séparer temporellement les deux phases de la photosynthèse (qui normalement se déroulent en même temps chez les autres plantes). Si l’on simplifie les choses, disons que le Cactus va emmagasiner l’énergie solaire, nécessaire à la photosynthèse, sous forme d’acides organiques, pendant la journée. Puis cette énergie sera réutilisée, pour terminer la réaction de photosynthèse la nuit, en présence d’eau et de dioxyde de carbone.
En conclusion, nous pouvons maintenant répondre à cette… épineuse question : pourquoi les plantes ont-elles des épines ? Et bien, comme souvent en biologie, ça dépend des cas. Pour certaines plantes, ces épines seront de véritables protections contre les prédateurs, n’ayant rien à avoir avec les fonctions du métabolisme photosynthétique… tandis que pour d’autres, il s’agira en réalité de la conséquence de la mise en place au cours de l’évolution d’un mécanisme de résistance à la sécheresse. Et accessoirement, les épines des Cactus servent aussi à se protéger contre des herbivores trop gourmands !
Un grand prédateur de Cactus...
*stipule : extension du limbe (= la partie verte de la feuille, là où se déroule la photosynthèse) à la base du pétiole. Il y a toujours deux stipules.
**Oui, rappelez-vous, c’est au niveau des feuilles que s’effectue la photosynthèse. Si vous ne vous en souvenez plus, allez voir là à http://fish-dont-exist.blogspot.com/2011/07/to-be-or-not-to-be-alive-that-is-good.html
Sources :
Le génie des végétaux, M. Bournérias et C. Bock, ed. Belin

jeudi 13 octobre 2011

La systématique là où vous ne vous y attendiez pas.


Comme expliqué dans des articles précédents, la systématique est la discipline en biologie qui s'occupe de donner une classification entre les organismes et indique ainsi certaines relations entre eux. Par exemple, pour trois organismes, un chat, un chien et un oiseau, elle nous permettra de dire que les chiens et les chats sont plus proches entre eux qu'ils ne le sont des oiseaux, ce qui est équivalent à dire que les chien et les chats appartiennent à un même groupe (ici mammifères carnivores) auquel l'oiseau n'appartient pas. Oui, les biologistes sont des maniaques mais que voulez vous, avec près de 2 millions d'espèces actuellement décrites et probablement bien plus à découvrir encore, il faut bien mettre de l'ordre là dedans. Mais mettons nous de l'ordre seulement pour que ce soit joli, ou bien cet ordre a-t-il une signification plus profonde ? En fait on utilise en systématique des boites conceptuelles imbriquées les unes dans les autres comme des poupées russes. Cet emboîtement peut aussi être représenté par... Un arbre ! Et cet arbre c'est l'arbre de la vie. Ô joie, cet arbre et ces relations de proximité peuvent être expliqués par l'évolution ! La cladistique est une méthode qui réconcilie systématique (classification) et phylogénie (arbre évolutif). Mais y a-t-il seulement la vie qui évolue ? Tout ce qui évolue peut-il être représenté par un arbre ? A l'inverse tout ce qui est représenté par un arbre est-il issu d'une évolution ? Je ne vous emmènerai pas dans les méandres de cette discussion, ce serait fastidieux, par contre je vais vous parler de quelques cas où on utilise des méthodes de la systématique, en particulier la cladistique, pour expliquer les relations de proximités entre d'autres choses que des êtres vivants. Pour ça il va falloir à chaque fois se demander ce qu'on classe et ce qui permet de classer. En systématique classique c'est simple : on classe des êtres vivants (des individus en général, des groupes d'individus si on veut) et ce qui nous permet de les classer sont leurs caractères morphologiques ou moléculaires (par exemple l'ADN). Ici vous verrez qu'il y aura d'autres choses.

Représentation théorique d’un arbre qui montre qu’on peut représenter un arbre par des boites emboîtées ou comme… Un arbre ! Les deux sont totalement équivalents. Source de l’illustration, modifié très librement de wikipédia (De toute façon je m’en fou, je fait ce que je veux de ces figures c’est moi qui les ai faites !).  Voici aussi un lien vers un site qui représente des arbres comme des boîtes emboîtées : Acanthoweb.

Une des choses à avoir été considérée comme très proche de la façon dont les êtres vivants évoluent et à avoir conduit à pas mal de travaux est la Terre. En fait pas la Terre elle-même, mais ce qu'on appelle les aires biogéographiques. Une aire biogéographique est une zone caractérisé par des groupes d'organismes, c’est donc un concept différent de l’aire géographique qui est définie elle… Géographiquement ! On parle de taxons (= un groupe en biologie) endémiques d'une aire biogéographique. Léon Croizat, qui étudiait justement ce domaine, a répété plusieurs fois que "la Terre et la vie ont évolué de concert". Que signifiait-il par là ? Lorsque la méthode cladistique a été proposée, un certain Lars Brundin en 1966 proposa une hypothèse alors farfelue : la répartition transantarctique des moustiques montrait que certains moustiques fort éloignés géographiquement étaient alors plus proches entre eux qu'ils ne l'étaient de moustiques moins éloignés géographiquement. Mais ne vous en faites pas, cet auteur a travaillé sur des moustiques qui ne piquent pas. Pour vous la réponse vous semble peut-être évidente "les continents on bougés séparant les moustiques pourtant apparentés"... Mais à cette époque la dérive des continents était encore mal acceptée et pourtant ce résultat était une belle preuve. Mais on préférait prendre en compte les données des physiciens pour que la communauté scientifique accepte la dérive des continents. Comprenez, la preuve par la physique est plus glamour que la preuve par le moustique (qui ne pique pas en plus) ! On s'est alors rendu compte que certaines zones biogéographiques avaient plus de groupes d'organismes en commun, qu'elles étaient plus proches entre elles que d'autres quelle que soit la distance géographique. Ainsi on pouvait représenter les relations entre zones biogéographiques par un arbre de parenté ! Ceci s'explique en partie par le fait que les continents dérivent les un par rapport aux autres... Mais pas seulement ! Une zone biogéographique peut-être séparée par une rivière par exemple ! Alors ici qu'est-ce qu'on classe ? Ben on classe entre elles les aires biogéographiques et ce qui permet de les classer ce sont les organismes présents dans cette aire : plus deux organismes sont proches par rapport à d'autres et plus deux aires sont proches par rapport à d'autres...

Une figure tirée de Brundin 1966 qui montre comment il fait une correspondance entre les relations de parentés entre moustiques et les aires biogéographiques… Comme quoi de si petites bêtes nous renseignent sur quelque chose d’une ampleur gigantesque…

Restons encore dans la biologie, voulez vous bien, et voyons encore un autre cas assez particulier. Nous, les êtres vivants, sommes le produit d’un grand nombre de réactions chimiques. L’ensemble des mécanismes de formation et de dégradation de molécules chez les êtres vivants est appelé métabolisme. Le métabolisme est un des cauchemars de beaucoup d’étudiants en biologie. C’est une espèce de sac de nœud moléculaire avec des flèches partout où  les molécules semblent se battre telles des barbares dans un énorme fouillis pour avoir justement le nom le plus barbare. On parle de voie métabolique pour un ensemble de réactions métaboliques. Pour avoir un produit F à partir de A on va pas faire ça en une étape (ce serait trop simple) mais en plein d’étapes, par exemple A->B->C->D->E->F… C pouvant donner aussi  G puis H puis F aussi pour compliquer un peu par exemple. Une suite de réactions est appelée « voie métabolique ». La réaction d’une étape à l’autre est produite grâce à une molécule, une « enzyme ». Par exemple on passe de A à B grâce à eA. A->B est une réaction enzymatique et eA est l’enzyme. En général les enzymes sont disciplinées (contrairement aux étudiants) et elles n’interagissent pas avec n’importe quoi. Mais au final tout cela fonctionne très bien et aussi confuse que puisse être une réaction métabolique dans la tête de l’étudiant, nous sommes là et nous vivons. Les réactions métaboliques sont si complexes qu’elles sont souvent invoquées par les créationnistes pour nous rappeler que tout ça est trop complexe pour être apparu par évolution. Du coup à écouter un créationniste, on devrait penser qu'il ne devrait pas être possible de reconstituer une quelconque évolution là dedans. Et pourtant : une voie métabolique est une série très particulière, et certaines se ressemblent plus que d’autres (simplement parce qu’elles peuvent commencer de la même manière). De plus elles sont caractérisées par des réactions enzymatiques très particulières. L’idée est venue donc de classer entre elles les voies métaboliques en utilisant les réactions enzymatiques voir les enzymes elles même. Lecointre et Chunchillos s’y sont aventurés et ont obtenu quelque chose de cohérent. Au final il paraît normal de penser que les voies métaboliques se sont diversifiés et ont évoluées les une à partir des autres ! Ainsi on reconstruit l’évolution de ces voies métaboliques en reconstituant quelles étaient les premières réactions enzymatiques et quelles sont les plus récentes.

Une figure montrant avec brio deux choses : d’une on peut faire de la phylogénie avec des voies métaboliques, de deux, le métabolisme c’est compliqué >_< Cliquez sur l’image pour l’agrandir sinon vous ne comprendrez rien (en l’agrandissant c’est possible que vous ne compreniez pas plus !). (Source de l’image : Lecointre G. et Cynchillos C. 2005.  Integrating the Universal Metabolism into a Phylogenetic Analysis. Molecular Biology and Evolution, 22 : (1).)

Sortons enfin de la biologie. Contrairement à la systématique des voies métaboliques, ici l’idée d’un parallèle entre l'évolution des langues et l'évolution des êtres vivants est venue très vite. Darwin lui même dans son ouvrage majeur : « l’Origine des Espèces », utilise de manière pédagogique l’exemple des langues et dit : « Les divers degrés de différence entre les langues dérivant d’une même souche devraient donc s’exprimer par des groupes subordonnés à d’autres groupes ». Comment procède t’on pour obtenir un arbre des langues ? On peut diviser une langue en entités minimales ou « phonèmes » c’est grâce à ces phonèmes que l’ont peut classer les différentes langues. On va faire l’hypothèse qu’un phonème en commun indique une parenté entre des langues. Les langues se transmettant entre les cultures, on peut alors supposer que deux langues provenant d’une même culture sont plus proches entre elles qu’une langue provenant d’une autre culture. En soit l’idée est assez intuitive, Hoenigswald, un auteur sur le sujet, va même jusqu’à dire que la linguistique comparée est par nature une méthode cladistique. Dernièrement, en 2003, une phylogénie des langues est parue en utilisant même des méthodes assez complexes utilisant des probabilités (ces méthodes diffèrent dans leur fonctionnement de la cladistique mais ont tout comme cette dernière la prétention de donner des arbres de parenté évolutive) et datant l’apparition les groupes de langues. Au final, si on considère les langues latines comme des langues provenant du latin alors le français, l’italien, l’espagnol sont du latin ou sinon… Le latin n’existe pas !

Voici un arbre des langues effectué en analyse bayésienne (pour ceux qui connaissent). Ce qui est très intéressant dans celui ci c’est que les groupes de langues sont datés en rouge ! On peut rester sceptique sur les datations mais c’est quand même super classe ! N’hésitez pas à cliquer sur l’image, certaines zones sont intéressantes ! (Source de l’illustration : Gray et Atkinson 2003.)

Nous allons maintenant aller un petit peu plus vite et évoquer assez brièvement trois autres cas de figure :

On peut utiliser la cladistique pour comparer des textes anciens. C’est assez simple : si une erreur est introduite, elle sera transmise de copie en copie. Deux textes ayant la même erreur seront donc plus proches entre eux qu’un texte n’ayant pas cette erreur (mais cet autre texte peut en avoir d’autres hein) ! La discipline dessinant des arbres en analyse textuelle a même un nom : la stemmatique et son apparition est attribuée à Karl Lachmann en 1850. 

Un autre domaine assez étonnant est la phylogénie d’objets culturels. En 2007, Ilya Tëmkin et Niles Eldredge (Eldredge, le même qui a établi la théorie des équilibres ponctués avec Gould pour ceux qui connaissent !) produisent… une phylogénie des instruments de musique ! Là on classe les différentes formes d’instruments entre eux en utilisant les différentes forme des différents éléments de ces instruments. Un objet culturel étant transmis par tradition ou apprentissage de génération en génération on peut penser que deux instruments issus d’une même tradition seront plus proches entre eux que d’autres !

Figure montrant la phylogénie de Psaltérion Baltiques… A vrai dire je ne connaissait même pas l’existence de cet instrument ! C’est un instrument de musique à cordes…  (Source : Tëmkin et Eldredge 2007.)

Et le domaine à mes yeux le plus étonnant est l’astrocladistique ! C’est à dire retracer l’évolution des galaxies ! Ici ce seront les caractères « morphologiques » et physiques qui seront pris en considération : prédominance de certains atomes, forme, type de rayonnement, etc. Cela laisserait-il supposer que les galaxies descendent les unes des autres ? Sinon cette démarche n’aurait pas de raison d’être… Peut-être pas ! On pourrait penser que les galaxies se « développent » (bébé galaxie deviendra grande dans 3 milliards d’années…) et suivent selon leur développement certaines trajectoire acquerrant ainsi de manière cohérente certaines propriétés. Par exemple les galaxies très lourdes ne pourraient avoir que certaines formes et les galaxies petites que certains éléments en plus grande quantité. Enfin, à vrai dire je reste personnellement un peu sceptique sur la pertinence de cette méthode mais ça reste super intéressant et innovant !

Phylogénie des galaxies naines de l’amas local… L’image est jolie, c’est de la phylogénie : j’aime ! (Source de l'image : Astrocladistique)

Au final la question qu’on peut se poser est : est-ce que l’on peut finalement faire de la phylogénie avec tout et n’importe quoi ? Oui, la phylogénie fonctionne grâce à un algorithme sur ordinateur. Il suffit de donner à manger à cet algorithme et il en ressortira forcement quelque chose. Maintenant est-ce que faire de la phylogénie avec n’importe quoi a un sens ? Probablement pas, donner à manger du pas bon à l’algorithme et normalement il aura la diarrhée et fera quelque chose de pas très intéressant… Et ça ça marche aussi en phylogénie des organismes : si les caractères sont mauvais, la phylogénie n’aura pas de sens…

Et puis pour le fun cous pouvez aussi jeter un œil à la phylogénie des êtres fantastiques faite par JP Colin ! J’ai aussi fait avec quelques camarades… Une phylogénie des alcools ! L’algorithme cette fois ci, après trop d’alcool, nous a vomi quelque chose d’un peu étonnant mais c’est amusant à regarder ! Réfléchissez-y lors de votre prochaine soirée bien arrosée !

Et une dernière touche pour la fin : à gauche une phylogénie des êtres fantastiques par JP. Colin (source de l’image : 1ère classification phylogénétique d'Heroic Fantasy (2/2)), à droite une phylogénie faite avec mes mimines (grâce à mon ordi quand même) de quelques alcools. Vous admettrez que le résultat est quelque peu surprenant… Cliquez sur l'image pour agrandir !

Pour aller plus loin :

-Brundin L. 1966. Trans-Antarctic relationships and their significance, as evidenced by chironomid midges. K. svenska Vetensk.-Akad. Handl., 4 (11): 1-472.
-Les mondes darwiniens, L’évolution de l’évolution, coordonné par Heams T., Huneman P., Lecointre G. et Silbersetin M. 2009. editions Syllepses.
- Lecointre G. et Cynchillos C. : L’exportation de la pensée phylogénétique en biochimie.
-Mahé Ben Hamed : La linguistique historique, nouveau terrain d’éxpérimentation.
-Platnick N. I. et  Don Cameron H. 1977. Cladistics Methods in Textual, Linguistic and Phylogenetic Analysis. Systematic zoology. 26 : (4), 380-385.
-Gray R. D. at Atkinson Q. D. 2003. Language-tree divergence time support the Anatolian theory of Indo-European origin. Nature, 426, 435-439.
-Fraix-Burnet D. 2009. Galaxies and cladistics. Evolutionnary biology, Concept, Modelization and Application, editions Springer, p 363-378.
-Tëmkin T. et Eldredge N. 2007. Phylogenetics and Material Cultural Evolution. Current Anthropology. 48 : (1), 146-153.
-Deux très bons articles du blog de M. Colin qui s’essaye à la phylogénie des êtres fantastiques ! 1ère classification phylogénétique d'Heroic Fantasy (1/2) et 1ère classification phylogénétique d'Heroic Fantasy (2/2)

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