lundi 29 avril 2013

Les mille et une vies d'un atome de carbone



Cette semaine je suis en formation de statistique un peu poussée juste à côté du Mont-blanc, et comme le sous-entend l’expression « statistique un peu poussé », il n’y a que des matheux ou physiciens à mes côtés. J’ai besoin qu’on me parle de biologie !!!! Et la grosse question qui me revient quand je parle de mon sujet de thèse, c’est «  mais pourquoi tu travailles sur le carbone ? ». Et donc je me suis dit que ça pouvait peut-être vous intéresser, vous aussi, de savoir en quoi c’est important d’étudier le carbone dans les écosystèmes. Le carbone, c’est une des clés des cycles de vie à la surface de notre planète. C’est vrai que c’est intéressant de parler des êtres vivants mais savoir ce que la matière devient après est tout aussi important.


Pour un peu que vous ayez suivi vos cours de biologie au collège, vous devez savoir que la matière vivante (les plantes, les animaux, les micro-organismes de toutes sortes) est essentiellement constituée de 3 éléments : le carbone C, l’oxygène O et l’hydrogène H. Ces 3 éléments sont les constituants des sucres dont le glucose C6H12O6 fait partie. Les sucres sont la source d’énergie de tous les organismes hétérotrophes. Etre hétérotrophe signifie qu’on a besoin d’une source d’énergie organique. On parle de substances organiques quand la substance essentiellement est constituée de carbone.


Pour avoir de l’énergie, les organismes hétérotrophes se nourrissent des organismes autotrophes. Ces derniers sont capables de synthétiser de la matière organique à partir de la matière minérale (c’est-à-dire les éléments simples comme le carbone, l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, et les différents sels minéraux) en utilisant soit de l’énergie lumineuse, soit de l’énergie chimique. 






L’énergie permet aux organismes de créer de la matière à partir du moment où ils naissent et jusqu’à leur mort. Savez-vous ce que devient cette matière à la mort des organismes ?

Lorsqu’un animal meurt, son corps reste généralement à l’endroit même où il a donné son dernier souffle. Par la suite soit il est consommé par d’autres animaux appelés nécrophages (organismes qui se nourrissent de cadavres comme des diptères ou des coléoptères) ou saprophytes (organismes qui se nourrissent de matière en décomposition comme la mouche domestique Musca domestica), soit il est dégradé par les micro-organismes. Le plus souvent ces différents acteurs interviennent en synergie lors de la décomposition. Pour les plantes, les organismes morts restent sur place et sont dégradés soit par des forces mécaniques (le broyage et la fragmentation sous l’effet du passage des animaux, de la pluie, du vent,….), soit par l’action biologique et chimique des organismes (production d’enzymes dans le milieu par la méso-faune, la micro-faune et les micro-organismes).

La dégradation des organismes morts est appelée décomposition de la matière organique et consiste en un retour des structures organiques complexes à l’état le plus simple de particules (matière organique particulaire) puis de molécules à base de carbone (matière organique dissoute). Les matières organiques particulaire et dissoute vont être à nouveau transformées soit par des bactéries pour la matière organique dissoute, soit par les champignons pour la matière organique particulaire en éléments minéraux assimilables par les organismes autotrophes. Cependant, les bactéries et les champignons ne sont pas les seuls décomposeurs de la matière particulaire et dissoute, mais cela dépend essentiellement du type d’écosystème et des organismes présents dans le milieu.




(Source)



Il faut noter que certains organismes qui rentrent dans le groupe paraphylétique des protozoaires (par exemple les amibes constituent un groupe biologiquement hétérogène) sont aussi capables d’effectuer cette transformation ultime de la matière organique particulaire en éléments minéraux. Ainsi lorsque la matière a atteint le dernier stade de sa dégradation, le carbone est prêt à intégrer un nouveau cycle de vie.
Ce recyclage du carbone au sein des cycles de vie des organismes constitue une petite partie du cycle du carbone. En effet le carbone passe beaucoup de temps hors des organismes, comme par exemple lorsqu’il est sous forme de CO2 ou encore lorsqu’il est sous forme dissoute dans l’eau et dans le sol (voir l'illustration ci-dessous).

Le cycle du carbone complet selon la NASA: dans l'eau, le sol et l'atmosphère
 

Selon le type d’écosystème (terrestre, marin, aquatique, humide ou sec), la matière organique décomposée peut prendre différentes formes. Par exemple, en milieu terrestre relativement sec, l’humus constitue une matière organique stable qui est déjà fortement dégradée. Il peut être utilisé sous forme de compost pour fertiliser les sols de culture. Vous en avez peut-être déjà utilisé lorsque vous avez planté des arbres dans votre jardin ou lors d’un éventuel rempotage de plantes ?!

L’humus est la couche superficielle du sol, la plus sombre, cette couleur étant due à la richesse en carbone de cette partie du sol.(Source)

Dans les zones terrestres humides, situées à l’interface entre écosystème terrestre et aquatique, la tourbe des tourbières constitue un puits de carbone composé essentiellement de matière organique végétale morte. La tourbe est fréquemment employée comme combustible et, en horticulture et en agriculture, elle est utilisée pour limiter le stress hydrique (la tourbe a forte capacité de rétention de l’eau).  
A gauche, une photo de tourbière humide (Source) et à droite, les amas de bûche de tourbes (Source)... ça c'est du carbone en barre!

En milieu aquatique, la matière organique décomposée n’est pas visible à l’œil nu, mais dans les cas où l’écosystème se trouve fortement enrichi en éléments nutritifs accessibles pour les organismes autotrophes du milieu, les algues et les cyanobactéries peuvent se développer sans limite si les conditions de température sont favorables. C’est le cas par exemple d’un enrichissement des eaux en carbone et en azote dû aux activités (agricoles et industrielles) humaines. Cela peut alors donner lieu à des cas d’eutrophisation des cours d’eau et des lacs.

Du vert dans un lac? Les algues et cyanobactéries sont en plein développement (Source)

Ainsi, que ça soit dans les organismes vivants ou dans le milieu, le carbone se recycle partout.
Après ce petit tour de cycle, on peut se demander combien de fois un atome de carbone intègre-t-il un être vivant ? Et quelles vies ont vécu les atomes de carbone qui constituent nos cellules ? Un de vos carbones aurait-il appartenu à Cléopâtre ? ou à un ptérodactyle ? On pourrait même tout imaginer …


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