Le printemps est là ! Pour moi,
c’est synonyme d’activité de jardinage intense et d’observation des petites
pousses qui sortent de terre… sans oublier la chasse aux insectes et autres
bestioles qui daignent enfin montrer le bout de leurs pattes ! Mais pour
d’autres personnes, c’est l’enfer car… les allergies au pollen sont de retour !
Nez qui coule, yeux rouges et gorge qui gratte, ça vous dit quelque chose ? Mais
pourquoi observe-t-on ce phénomène particulièrement au printemps ? Pourquoi les
allergies sont plus intenses en ville ? C’est ce que nous allons essayer de
comprendre dans cet article.
Est ce que vous ressemblez à ça au printemps ? (source) |
D’abord, c’est quoi une allergie ?
Bien qu’étant docteur, je ne suis
pas médecin, alors je vais m’en tenir à des explications assez simples sur le
type d’allergies qui nous concerne ici (parce qu’il en existe plusieurs en
réalité), à savoir, les allergies qui apparaissent au printemps.
Si on prend la définition d’une
allergie donnée par Thomas H. McConnell en 2013, il s’agit d’une réaction immunitaire exagérée de la part de l’organisme
face à un antigène étranger. Ici, quand on parle d’antigène, on entend tout
élément extérieur au corps humain (un intrus, quoi) pouvant être à la base
d’une réaction immunitaire. Je vous l’accorde, cette définition se mord la
queue, mais vous allez comprendre, accrochez-vous.
Dans certains
cas, lorsque le corps humain est exposé à une substance qui lui est étrangère
(ce sont donc les antigènes ici), il peut réagir face à cette substance. Mais
cette réaction n’est pas systématique et elle varie d’un individu à l’autre ;
cette inégalité de réaction est probablement due à des facteurs génétiques,
encore actuellement mal identifiés.
Alors, que se passe-t-il concrètement dans notre organisme, lorsqu’un antigène
y pénètre par inadvertance ?
Pour rendre la chose un peu plus
simple à comprendre, imaginons que le corps humain est une boite de nuit où les
entrées sont libres. Habituellement, les nouveaux arrivants peuvent entrer
s’amuser sans problème mais ils sont surveillés à l’intérieur par des agents de
sécurité (via des caméras) qui ont pour objectif de repérer les fauteurs de
troubles. Arrive alors tout un gang d’individus aux cheveux oranges fluo :
ils sont facilement reconnaissables par les agents de sécurité. Une fois à
l’intérieur, ils malmènent un peu les autres participants et plombent un peu
l’ambiance… ils sont alors maitrisés par les videurs de la boite de nuit, qui
inscrivent leur signalement dans la salle des caméras. La semaine suivante, d’autres
individus portant des cheveux orange fluo entrent à nouveau dans la fameuse
boite de nuit. Cette fois ci, ils sont reconnus rapidement et les agents de sécurité
décident d’appeler la police, les pompiers, et l’armée, ils déclenchent les
lances à incendie à l’intérieur de la boite de nuit, et provoquent une
évacuation d’urgence de l’ensemble du personnel. Alors qu’une simple
intervention des videurs aurait suffi !
Ce que je viens de vous décrire
ici, c’est un type d’hyper-réaction qu’on observe dans le cas des allergies. Nos
videurs sont en réalité appelés des Lymphocytes B, et ils vont produire des
anticorps spécifiques (la surveillance vidéo) dirigés contre les antigènes (les
individus aux cheveux oranges) qui seront ainsi plus facilement reconnaissables
par les mastocytes (les agents de sécurité) dont le rôle est de sonner l’alarme
en cas d’intrusion. Dans notre organisme, cette sonnette d’alarme se concrétise
par une libération d’une substance appelée histamine, qui va interagir avec
différentes parties du corps pour engendrer des démangeaisons au niveau de la
peau, une détresse respiratoire par contraction d’une partie des poumons ou
encore la dilatation des vaisseaux sanguins, pouvant mener à des gonflements de
certaines parties du corps… et plein d’autres symptômes tous plus réjouissants
les uns que les autres. Ces réactions ont pour but en temps normal d’activer
les éléments du système immunitaire qui auront pour but de faire disparaitre
les antigènes de l’organisme.
Un schéma simplifié de la réaction allergique (source) |
Et le pollen, dans tout ça ?
Chez les plantes à fleurs, le
pollen est une particule produite par les étamines (la partie mâle de la fleur)
et qui contient deux cellules qui serviront à la reproduction. Ces particules
sont dispersées par les insectes volant (les abeilles par exemple), par l’eau
ou par le vent : c’est ce dernier cas qui nous intéresse ici, car ce sont
ces grains de pollens qui vont pouvoir se retrouver malencontreusement dans nos
voies respiratoires. Les grains de pollen peuvent avoir des formes
incroyablement variées (vous pouvez avoir un aperçu de la diversité sur ce site) et portent à
leur surface des protéines et glycoprotéines qui sont caractéristiques de chaque espèce. Ainsi, les pollens sont très différents d’une espèce à l’autre, ce qui
permet à chaque fleur de reconnaître spécifiquement le pollen de sa propre
espèce.
Diversité du pollen (source) |
Pourquoi certaines personnes développent-elles des allergies au pollen
?
Maintenant, lorsque le grain de
pollen, au lieu de se déposer sur la partie femelle d’une fleur, se retrouve
aspiré par mégarde par un humain, que se passe-t-il ?
Chez les personnes non
allergiques, le grain de pollen est simplement considéré comme une poussière
comme les autres et évacué normalement avec les sécrétions nasales
(comprendre : le truc gluant qui reste au fond du mouchoir lorsque vous
vous mouchez. Désolé pour l’image). Chez les personnes allergiques, c’est là
que ça se gâte.
Comme je le disais plus haut, les
grains de pollen portent à leur surface des protéines. Or, une des choses que
détecte particulièrement bien le système immunitaire, ce sont les protéines
étrangères, car en général elles sont associées à la présence d’organismes
pathogènes tels que les virus et les bactéries. Non seulement il va y avoir
détection de ces protéines étrangères, mais surtout une hyper-réaction de la
part du système immunitaire… qui mène à une réaction allergique.
De plus, il est possible que
certaines personnes souffrent d’allergies croisées : elles ne sont pas
réactives au pollen d’une seule plante, mais à plusieurs ! En effet, les différences entre les
protéines portées par les grains de pollen sont parfois trop subtiles pour être
détectées par le système immunitaire. Résultat ? Une personne peut être
allergique au pollen de toutes les graminées… une famille comportant plus de
12000 espèces! Ca représente un potentiel allergène assez élevé.
Comme la plupart des plantes dans
l’hémisphère nord fleurissent à la fin du printemps et au début de l’été, la
période chaude est redoutée par les personnes sensibles qui développent souvent
des allergies croisées et passent alors leur temps à éternuer ou à se gratter.
Pas terrible quand on veut juste profiter du beau temps !
Les allergies saisonnières en ville
Des études scientifiques montrent
que les allergies au pollen sont plus importantes dans les villes par rapport
aux zones non-urbaines… alors que la quantité de pollen en général est plus importante dans l’air des campagnes que dans les zones urbanisées. Les personnes habitant en ville sont aussi
plus susceptibles d’être allergiques aux espèces ornementales qu’aux espèces agricoles. A première vue, cela peut sembler étrange que les personnes vivant à
l’extérieur des villes soient moins touchées par des allergies alors qu’elles
sont exposées à de plus grandes quantité de pollen… Laissez-moi vous expliquer.
En ville, les surfaces végétalisées
sont gérées artificiellement par les populations humaines, sauf dans des cas
exceptionnels. Qu’il s’agisse d’un parc verdoyant ou d’une allée bordée de
grands arbres, les plantes sont entretenues par une armée d’horticulteurs. Mais
surtout, avant d’être mis en terre, ces plantes ont été choisies sur des
critères répondant aux contraintes liées à l’urbanisme : être résistant à
la pollution engendrée par le trafic automobile, ne pas produire trop de
feuilles pour éviter de les ramasser à l’automne… et ne pas produire de fruits
qui viennent tacher les trottoirs. Pour cela, on pratique le sexisme
botanique : on sélectionne certaines espèces d’arbres dioïques (où les
mâles et les femelles sont des individus séparés, un peu comme chez les humains)
et on ne plante que des mâles ! On évite ainsi de se coltiner le ramassage des
fruits laissés sur les trottoirs, car seuls les arbres femelles produisent des
fruits. Quelle superbe idée, ça fait moins de travail pour tout le monde ! Oui
mais… ce sont les arbres mâles qui produisent le pollen ! Donc en favorisant la
proportion de mâles par rapport aux femelles, on va changer la quantité de
pollen libéré dans l’air. C’est d’ailleurs ce que montre une étude espagnole qui
a fait l’inventaire des plantes horticoles utilisées dans un parc de la ville
de Grenade
(le parc Gracia Lorca). Résultat : le sex-ratio du Gingko biloba est à 80% en faveur des mâles !
Un lien entre le sexisme botanique et les allergies saisonnières ?
Pour terminer, accrochez-vous aux
branches parce que là, je vais vous parler d’une hypothèse que je trouve un peu
farfelue mais non dénuée d’intérêt. A prendre avec des pincettes donc !
Et si l’absence d’arbres femelles
dans les villes accentuait les allergies saisonnières ? Thomas Leo Ogren a émis l’hypothèse que les fleurs femelles attireraient activement le pollen en
suspension dans l’air, réduisant ainsi la quantité qui serait potentiellement
inhalée par les êtres humains. Certains chercheurs pensent même que des forces électrostatiques interviennent dans le « piégeage » du pollen par les
parties femelles de la fleur
et ainsi augmentent les chances de rétention du pollen dans la fleur.
Pour réduire les allergies en
ville, faudra-t-il donc accepter de voir les trottoirs parsemés de fruits çà et
là ? L’avenir nous le dira !
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