lundi 26 novembre 2012

Voyage sous les Tropiques : à la découverte des Palmiers


Par ce temps froid et venteux (l'automne se termine et l'hiver commence à pointer le bout de son nez), il est bon de penser à des lieux ensoleillés synonymes de vacances. C'est pour cela que j'aimerais vous parler de plantes associées aux paysages de cartes postales : les Palmiers.

Dans un précédent article, j’avais évoqué l’existence de cette grande famille de plantes à fleurs assez originale, les Palmiers, appelés aussi Arecaceae. C’est la seule famille présente dans l’ordre des Arecales, elle-même présente dans le groupe des Commelinids au sein des Monocotylédones (voir article précédent). Ça, c’était pour l’aspect classification et phylogénie. Intéressons nous à présent aux particularités de cette famille.
La famille des Palmiers regroupe à l’heure actuelle environ 2400 espèces, réparties dans 183 genres (Dransfield et al. 2008). Toutes ces espèces, sauf exceptions, se retrouvent au niveau de la zone tropicale à la surface de la Terre.

Carte de la répartition mondiale des espèces de Palmiers. Source : Dransfield et al. 2008

Il est intéressant de noter que lorsqu’on voit un Palmier, eh bien… On le reconnait au premier coup d’œil. N’importe quel enfant inscrit à l’école primaire dessinera, si on lui demande de représenter une île déserte, quelque chose d’approchant :

Trois vaguelettes, un soleil, un monticule de sable... et un Palmier : c'est  la représentation classique d'un île déserte [source]

Et du même coup, on se rend compte que l’imagerie du Palmier est connue depuis notre plus tendre enfance. Mais si c’est une chose de représenter un Palmier en trois coups de crayon, c’en est une autre de savoir ce qui se cache derrière ces feuilles vertes qui protègent le naufragé des rayons du soleil.
Savez vous en effet que les Palmiers ne sont pas des arbres ? Eh oui, ils ne possèdent pas de tronc à proprement parler ! Mais alors, comment est-il possible que ces plantes mesurent parfois plusieurs mètres de haut et soit dures comme du bois… sans en être réellement ?

Reprenons les choses depuis le début. La croissance des plantes est initiée (dans un premier temps) aux extrémités de l’individu. En particulier, on appelle les zones de croissance des méristèmes. On trouve ces méristèmes au niveau des tiges (méristèmes caulinaires) et au niveau des racines (méristèmes racinaires). Ces zones sont ce que l’on appelle communément les bourgeons.
Schéma d'une plante avec la localisation des méristèmes. Modifié d'après [source]

Oui mais voilà, si on s’arrêtait là, tout serait bien trop simple. Certaines plantes possèdent deux types de méristèmes : primaires et secondaires. Tandis que les méristèmes primaires permettent la croissance en longueur de la plante et sont présents au tout début de sa croissance, à l’intérieur même de la graine, les méristèmes secondaires se mettent en place… secondairement, et permettent la croissance en épaisseur de la plante. Ces méristèmes sont appelés cambium (ou Assise Génératrice Libéro-Ligneuse) et phellogène (ou Assise Génératrice Subéro-Phellodermique).

Schéma d'une coupe dans un tronc, montrant les différentes couches produites par le cambium et le phellogène. Les flèches verticales montrent les zones de croissance cellulaire en épaisseur. [Source]

D’après la figure précédente, on peut voir que le tronc d’un arbre est constitué de plusieurs couches successives. Si on regarde en commençant par la partie visible de l’arbre, à l’extérieur, la première couche rencontrée est l’écorce. Cette couche imperméable et protectrice est constituée par le liège, ou suber, qui est produit par le phellogène (ou AGSP, voir plus haut) qui est donc le premier méristème secondaire rencontré chez un arbre, en partant de l’extérieur. A titre d’information, les bouchons de bouteille sont faits en liège, qui est en réalité l’écorce des Chênes Quercus suber, récoltée annuellement. Ce matériau est utilisé pour cet usage du fait de sa grande imperméabilité.
Si on avance vers l’intérieur du tronc, on tombe sur le phelloderme, une mince couche cellulaire produite elle aussi par le phellogène. Cette couche fait partie de l’écorce mais reste généralement sans rôle particulier.
La couche suivante est le liber, aussi appelé phloème secondaire : c’est un tissus qui conduit la sève élaborée, riche en sucres, depuis les feuilles vers les racines. Il est produit par le cambium (ou AGLL, voir plus haut), le second méristème secondaire, vers l’extérieur de la plante.
La couche suivante est l’aubier : c’est la partie vivante du bois. Il s’agit du xylème secondaire, également produit par le cambium vers l’intérieur de la plante. Il sert à conduire la sève brute, constituée essentiellement d’eau et de sels minéraux, depuis les racines jusqu’aux feuilles. Par la suite, les cellules de l’aubier vont se remplir de lignine et subir ce que l’on nomme la duraminisation : on obtiendra ainsi le bois de cœur, encore appelé duramen.

Coupe transversale schématique d'un tronc. Notez qu'ici, l'écorce rassemble le suber, le phellogène et le phelloderme. [Source] 

La production de bois permet, à postériori, la formation d’un tronc, suite à la rigidification des tissus végétaux. Evolutivement, la présence du tronc peut s’expliquer par une constante compétition par les plantes au niveau de l’occupation du volume par les structures photosynthétiques  : la présence d’un « squelette » constitué par le tronc permet à la plante de déployer ses feuilles dans toutes les directions et ainsi de maximiser leur exposition à la lumière. Vous imaginez bien qu’avoir un étagement des feuilles permet d’augmenter la surface photosynthétique pour une même surface au sol… C’est un peu comme avec nos immeubles : on garde la même surface au sol qu’une maison d’un étage, mais on empile des appartements, donc tout le monde au final a plus de place pour vivre.
L’augmentation de la taille à l’aide d’un tronc permet également d’accroitre la capacité de dispersion des fruits et des graines. C’est logique : lancez une balle depuis le pied d’un arbre et depuis sa cime et vous verrez qu’elle parcourra plus de distance si vous vous situez au sommet de l’arbre.
  
Tout ça c’est bien joli, mais… les Palmiers n’ont pas de tronc à proprement parler. En effet, une des particularités des Monocotylédones (voir article précédent) est d’avoir perdu secondairement, au cours de l’évolution, la capacité de former des structures secondaires. Ces plantes ne possèdent tout simplement pas de méristème secondaire ! Comment est-il possible, dans ce cas, que les Palmiers soient des plantes dont la taille dépasse aisément plusieurs mètres ?
Eh bien, ces plantes possèdent d’autres structures qui leurs permettent aussi de se hisser vers la lumière. La partie analogue à un tronc d’arbre chez un palmier s’appelle un stipe, et c’est ce stipe qui permet d’étendre la couronne de feuille au soleil, loin au dessus du sol.
Ce stipe est constitué d’un grand nombre de fibres, rigidifiées par la lignine (toujours elle). Dans un stipe, on trouve un très grand nombre de fibres conductrices de sève, associées souvent avec un ensemble de fibres de soutien.

Détail d'une fibre conductrice associée à une fibre de soutien (en coupe transversale). En noir, les fibres de soutien ; en pointillés, le phloème ; en blanc (mx et px), du xylème ; en hachuré, du parenchyme (c'est un tissus de soutien). Il n'y a pas de tissus secondaires. Source : Thomas & De Franceschi 2012
Voici les fibres, replacées dans le contexte entier du stipe (à g., extérieur, à dr., intérieur), pour les deux types d'organisation chez les Palmiers (Thomas & De Franceschi 2012)

Bien qu’il n’existe pas de croissance secondaire à proprement parler chez les Palmiers, l’accumulation et l’agrégation des fibres enchevêtrées entre elles permet au stipe d’augmenter petit à petit en épaisseur (surtout au niveau de la base), ce qui confère au Palmier dans son entier sa stabilité et sa solidité.
D’un point de vue de la croissance, comme je l’ai dit plus haut, les Palmiers n’ont pas de méristèmes secondaires donc pas de croissance secondaire à proprement parler : un seul méristème initie la croissance de la plante, d’où la présence d’une couronne de feuille unique au sommet et l’absence de branches. Chaque année, les feuilles de l’année précédentes meurent et le Palmier initie la croissance de nouvelles feuilles juste au dessus des anciennes. On pourrait dire ainsi qu’un Palmier est le résultat d’un emboitement successif de feuilles, année après année. Mais on ne peut pas parler de vrai tronc car il n’y a pas d’accroissement en largeur, suite à l’absence de méristèmes secondaires.

Différentes coupes transversales de stipes de Palmiers, mettant en évidence les fibres vasculaires. [Source]


Mais il ne faut pas croire que les Palmiers sont tous pareils : c’est une famille de plantes à fleurs où l’on trouve une diversité de formes, de tailles, de couleurs impressionnantes. Ainsi, si la plupart des Palmiers possèdent des stipes « conventionnels », on trouve des Palmiers rampants et grimpants. Si certains Palmiers peuvent atteindre 15 mètres, d’autres sont nains et ne dépasseront jamais un mètre de hauteur.

Calamus nabariensis, détail du stipe (à g.) et Calamus longipina, vue d'ensemble (à dr.) : deux Palmiers grimpants. [Source]


Chamaerops humilis (à g.) et Actinorhytis calapparia (à dr.) : notez la différence de taille... [Source]

Certains Palmiers ont des stipes à épines alors que d’autres possèdent un stipe complètement lisse ou bien fibreux.
Calamus wailong (à g.) et Howea forsteriana (à dr.). Notez les stipes épineux à divers degrés du Calamus et celui parfaitement lisse du Howea. [Source]

Mais le plus impressionnant à mon sens reste le Coco-Fesse (nom commun du Lodoicea maldivica), qui possède un fruit en forme de… bin, je vais pas vous faire un dessin, qui peut peser jusqu’à 25 kilos !

Fruit de Lodoicea maldivica, avant (à g.) et pendant (à dr.) la germination. [Source]

Les fruits du Cocotier Cocos nucifera (les noix de Cocos) sont également capables de prouesses au niveau de la capacité de germination : on les retrouve parfois à des milliers de kilomètres de distance de leur point de départ, portés par l’océan. S’ils échouent sur une plage tropicale, ils sont capables de germer très rapidement et de prendre racine sur le rivage.
Une noix de Coco germe après avoir été transportée par la mer. [Source]

Chez les Palmiers, on trouve aussi une grande diversité de feuilles, bien qu’elles soient toutes construites sur le même modèle de base : lors de leur formation, elles sont repliées comme un pliage d’origami, puis elles se déplient pour prendre leur forme définitive. On distingue souvent deux grands types de feuilles, parmi lesquels on trouve toutes sortes de variations morphologiques : il s’agit des feuilles pennées (comme des plumes) ou palmées (comme une main).

Areca vestiaria (à g.) possède des feuilles pennées, tandis que Serenoa repens (à dr.) possède des feuilles palmées. [Source]

Pour conclure, je dirais qu’au sein du règne végétal, il ne faut pas se fier aux apparences… et que même s’ils en ont l’air, les Palmiers ne sont pas des arbres et recèlent une diversité insoupçonnée au premier regard.

Bibliographie 

Dransfield et al. 2008. Genera Palmarum. Royal Botanic Garden, Kew

Thomas R & De Franceschi D. 2012. First evidence of fossil Cryosophileae (Arecaceae) outside the Americas (early Oligocene and late Miocene of France): Anatomy, palaeobiogeography and evolutionary implications. Review of Palaeobotany and Palynology. 171:27-39

Pour les photo, l'immense ressource d'Internet en général et le site http://palmweb.org/ en particulier.

mercredi 14 novembre 2012

Le suicide des lemmings

A l’instar du rire ou de l’utilisation d’outils, le suicide n’est pas le propre de l’homme. On a déjà entendu parler de chiens qui se laissent mourir de chagrin suite au décès de leur maître, ou encore de la célèbre histoire d’un des dauphins ayant interprété le rôle de Flipper, qui s’est laissé mourir dans les bras de son dresseur après avoir cessé de s’alimenter… Mais nul animal n’égale le lemming en affaires de suicides.
 
Représentation de lemmings (Source)

Le lemming (le nom désigne plusieurs espèces, nous parlerons ici du lemming à collerette Dicrostonyx groenlandicus) est un petit rongeur vivant dans la toundra du nord du Canada, de l’Alaska et du Groenland. Ses premières observations ont été fort étonnantes : les populations observées en un endroit donné croissent rapidement au cours des années. Une femelles est capable en effet d’engendrer en moyenne quatre portées par an, et jusqu’à dix petits par portée. Et puis tous les quatre ans, la population chute de manière vertigineuse. Ce mystère n’a pas été ébranlé par la découverte du plus improbable : les lemmings se suicident… Ainsi, l’espèce palie un problème qui aurait pu signifier sa fin : le manque de nourriture qu’entraînerait une population sans cesse croissante. En limitant ainsi les effectifs par le suicide, l’espèce est capable de perdurer sur les terres arctiques. Résultat fort intéressant puisque les lemmings semblent même anticiper le manque de nourriture et se suicident en masse avant que celui-ci ne devienne critique  !

Graphique de la densité de lemmings, adapté de Gilg et al. (2003). On observe un cycle très régulier sur quatre ans avec une augmentation exponentielle de la population de lemmings les trois premières années et une réduction drastique la quatrième, après leur suicide.

Une question vous taraude j’en suis sure… Mais comment diantre un rongeur peut-il se suicider ? En sautant volontairement dans les mâchoires de ses prédateurs ? Il est vrai que le lemming constitue le repas de plusieurs carnivores : l’hermine (Mustela erminea), le renard arctique (Alopex lagopus), la chouette harfang (Nyctea scandiaca) et le labbe à longue queue (Stercorarius longicaudus).


Les prédateurs des lemmings : hermine, renard arctique, chouette harfang et labbe à longue queue (Sources : 1, 2, 3, 4).

Mais non, les lemmings ont un mode de suicide bien plus original pour un animal, et d’ailleurs on ne peut s’empêcher de le rapprocher aux pratiques humaines : ils se jettent du haut d’une falaise. Et ils le font tous ensemble, dans une euphorie générale assez étrange.

Le suicide des lemmings est assez connu à l’heure actuelle, notamment chez les anglophones pour qui ce suicide est utilisé comme métaphore pour désigner les personnes qui se fient sans se poser de question à l’opinion générale, et ce en dépit des dangereuses conséquences (« Don’t be a lemming  ! »). C’est en grande partie grâce à Walt Disney que cette pratique a été connue du grand public. En effet, en 1955 et sous les traits de crayon du brillant Carl Barks, l’Oncle Picsou se voit entrainé dans une aventure où il a le privilège d’observer le fameux suicide des lemmings.
 
 Extrait de la bande dessinée « The Lemming with the Locket », de Carl Barks. Cette scène montre les lemmings se jetant en masse de la falaise (Source).

Mais c’est en 1958 que Disney rend ce suicide encore plus populaire, grâce au film « White Wilderness ». Ce documentaire filmé au Canada a d’ailleurs remporté l’Oscar du meilleur film documentaire. Pour la première fois, le public découvre en images la scène extraordinaire des lemmings se jetant de la falaise. Voyez plutôt la vidéo suivante pour en avoir un aperçu !

(Source)


Attendez attendez… est-ce que tout ça ne ressemblerait pas à… mais si ! De la sélection de groupe ! Les lemmings se suicident pour le bien de leur espèce ! Les individus qui se sacrifient permettent à l’espèce « lemming » de perdurer. Et pourtant, on ne le répétera jamais assez, la sélection de groupe n’existe pas (dans son sens le plus intuitif, selon la théorie de Wynne-Edwards, j’en parlais dans cet article). Il y a bien des abeilles qui se sacrifient pour sauver leur colonie, mais elles partagent entre elles un tel niveau de parenté (et donc un tel pourcentage de gènes en commun), qu’il est avantageux pour la dissémination de leurs gènes de se sacrifier et ainsi d’aider la reine à s’occuper de cette dissémination. J’en parlerai d’ailleurs très prochainement dans un article. Mais en dehors de ces compromis où aider ses apparentés à survivre apporte plus de bénéfices, en termes de dissémination génétique, que de se reproduire soi-même, se sacrifier pour le bien des autres n’est nullement adaptatif !

Dans notre cas, les lemmings qui se suicident n’auront aucune descendance. Et l’absence de descendance, c’est précisément le problème de tout un chacun qui cherche à faire fructifier ses petits gènes. Le comportement du suicide rend tout simplement impossible ce processus, et devrait donc rapidement être évincé dans le processus de la sélection naturelle. Adieu veau, vache, cochon, couvée. Le suicide des lemmings n’est qu’un mythe. Tout est faux, archi faux ! Quand on vous dit de ne pas croire tout ce qu’on voit au cinéma ! Et même si c’est Disney qui le dit, les lemmings ne se suicident pas.

Un mythe ? Pourtant, ce sont bien des lemmings qui se jettent sans vergogne du haut de la falaise dans ce fabuleux documentaire de Disney ! Et puis sur le graphique (tiré tout de même d’une publication scientifique fort sérieuse) on voit bien que la population de lemmings diminue d’un coup tous les quatre ans… Et bien nulle part ailleurs qu’en science ce proverbe prend autant de sens : il ne faut pas se fier aux apparences !
 
Ce sont bien des lemmings que l’on voit dans le film de Walt Disney. Il faut dire qu’à l’époque, on était persuadé de tenir la vérité, on ne remettait pas en cause le fait que les lemmings se suicidaient, en réalité non par réelle volonté mais par accident lors de migrations en masse. Et c’est en toute honnêteté que Disney a entrepris l’aventure en Arctique, pour filmer entre autres merveilles ce déchaînement de folie des rongeurs. Evidemment, quand l’équipe est arrivée sur les lieux, ils ne sont parvenus à dégoter aucun lemming en mal de vivre. Qu’à cela ne tienne, un petit montage et le public sera dupé ! Les effets spéciaux de l’époque étant bien sur assez limités, le plus réaliste était de prendre de véritables lemmings comme acteurs. Et de les pousser un peu pour qu’ils se jettent de la falaise. Si, si. D’ailleurs l’espèce filmée n’était même pas migratrice, et encore moins suicidaire évidemment. Si le film a plus tard été pointé du doigt pour cruauté envers les animaux, le mythe était lancé. D’ailleurs à l’heure actuelle, les dessins humoristiques sur les lemmings se multiplient sur la toile !
 
Un des nombreux dessins humoristiques illustrant le prétendu suicide des lemmings (Source)

Un jeu vidéo a même fait fureur au début des années 90, dans lequel le joueur doit… sauver des lemmings ! (Source 1, 2)

Et en ce qui concerne le graphique de la dynamique de la population des lemmings ? Et bien celui-ci est tout à fait exact, basé sur des observations scientifiques rigoureuses. Comment alors expliquer de telles variations de la population ? Plusieurs explications ont été avancées, tel un changement des stratégies reproductrices des rongeurs.
 
Depuis quelques années, les chercheurs du GREA (Groupe de Recherches en Ecologie Arctique) s’intéressent particulièrement à ces lemmings pour justement tenter de comprendre sa dynamique de population. En combinant des observations prises sur une large échelle temporelles, ils ont pu avancer une théorie qui permet d’expliquer simplement les cycles des lemmings : ses interactions avec les prédateurs.
 
Dans cette région en effet, les lemmings constituent la ressources quasi exclusive des prédateurs cités précédemment, et ceux-ci sont donc dépendants des rongeurs. En hiver, le lemming n’hiberne pas tout à fait et continue à être actif dans des galeries creusées sous la neige. Or, seul un prédateur est suffisamment menu pour se glisser dans ces galeries et continuer à chasser les lemmings à cette période : l’hermine. Ainsi, l’interaction entre les lemmings et les hermines constitue une très belle illustration d’un des modèles de proies-prédateurs les plus simples : le modèle de Lotka-Volterra. Dans ce modèle, l’évolution des populations de prédateurs et de proies dépend exclusivement des taux d’accroissement de ces deux espèces (la vitesse et l’efficacité auxquelles elles se reproduisent), et du succès de prédation de l’espèce prédatrice sur l’espèce proie. Les deux espèces sont ainsi très étroitement liées : les proies se reproduisent bien, ce qui fait augmenter en réponse la population de prédateurs. Mais arrivée à un seuil, cette population devient néfaste pour les proies et celles-ci sont alors décimées. Les prédateurs ayant alors du mal à attraper les proies devenues trop peu nombreuses voient à leur tour leur population diminuer. Les proies profitent du répit laissé par le faible nombre de prédateurs et leur population se remet à augmenter, créant un nouveau cycle. Ce modèle simple trouve peu d’illustrations empiriques, justement en raison de sa simplicité. Dans la nature en effet, beaucoup de facteurs influencent la dynamique des populations des espèces, proies comme prédateurs. Par exemple, l’homogénéité du milieu peut intervenir, ainsi que sa disponibilité en ressources (nourriture, eau, sites de reproduction, etc.) pour les espèces proies. De plus, les prédateurs sont rarement spécialisés pour une seule espèce de proies, et en cas de diminution d’une espèce, ils peuvent simplement se mettre à en chasser une autre. De même, les proies sont rarement les victimes d’une seule espèce. D’ailleurs, ici, l’hermine semble le prédateur le plus important dans la dynamique de la population de lemmings car celle-ci, contrairement à ses autres prédateurs, le chasse à toutes les saisons. L’exemple d’application du modèle de Lotka-Volterra le plus connu jusqu’ici était l’imbrication entre les populations de lièvres d’Amérique (Lepus americanus) et de lynx du Canada (Lynx canadensis).
 
Cycle des populations de lièvres et de lynx : l’augmentation de la population du lièvre fait augmenter celle du lynx, jusqu’à ce que celui-ci devienne trop nombreux et fasse décroître les lièvres, entraînant un appauvrissement des ressources pour le lynx (Source).

L’étude de la population des lemmings et des hermines fournit alors un graphique encore plus « beau », dans le sens où les cycles y sont plus nets et identiques, autant dans leur périodicité que dans les effectifs des populations. Voici présenté ci-dessous le graphique du début de l’article, auquel j’ai ajouté les populations d’hermines.
 
Graphique montrant l’imbrication de la dynamique des populations de lemmings et d’hermines (adapté de Gilg et al. 2003).


Si le mystère des lemmings est résolu, ces petits rongeurs sont encore largement associés au suicide et risquent de l’être encore longtemps…
 
 
(Source)


Bibliographie / Pour en savoir plus


Gilg, O., Hanski, I. & Sittler, B. 2003. Cyclic dynamics in a simple vertebrate predator-prey community. Science, 302, 866-868.
 
Site du GREA (Groupe de Recherches en Ecologie Arctique)
 
- Film « Le mystère des lemmings » de Olivier Gilg et Brigitte Sabard.



Sophie Labaude

jeudi 25 octobre 2012

Une histoire à en rester mué.


Il est bien connu que les adolescents qui grandissent ont la voix qui mue. Le terme muer vient du latin « mutare » qui signifie changement. Au final tous les organismes changent, personne ne me contredira. Le terme « mue » est aussi employé pour les animaux tétrapodes (à quatre pattes  que l’ont connaît bien) lorsqu’ils changent de fourrure, de plumage ou de peau. Peut-être avez vous déjà croisé au détour d’un chemin une mue de serpent (oui, le serpent est un tétrapode, ses ancêtres avaient quatre pattes) ? Et lorsque le canard colvert  change de plumage ? Il arrive aussi probablement à votre chat de perdre ses poils au printemps. Oui mais tout ça ce sont des mues d’amateurs… Il existe un groupe taxonomique dans la nature qui pousse cet art à son paroxysme… Ce groupe là on l’appelle… Attendez, je ne vais pas vous faire peur  avec des gros mots maintenant, citons quelques exemples tout d’abord.

Deux exemples de tétrapodes muant. Mais ce ne sont que des amateurs. Source : mouton laid et serpent casque.

Si vous êtes déjà allés à la campagne (normalement) et que vous avez exploré de vieilles caves, vous avez probablement déjà croisé des carcasses vides d’araignées mortes (peut-être cela vous a-t-il rassuré , moi je trouve ça triste) qui s’envolent au moindre souffle. En réalité, et j’espère que justement vous en aurez le souffle coupé pour pouvoir observer ces carcasses de plus près, ce sont généralement des « mues » d’araignées plutôt que des araignées mortes. C’est à dire que ce n’est que le squelette externe de l’araignée et que notre charmante gardienne de cave est probablement en train de se balader quelque part. Mieux encore (pire selon certains), qu’elle a grandi ! Un autre exemple ? Pour les amateurs de plages et les curieux des crabes, vous avez déjà probablement trouvé sur la plage des carcasses de crabes vides. Dans le mille ! Même phénomène ! C’est très probablement une mue plutôt qu’un crabe mort ! Le crabe lui, est peut-être en train de pincer les pieds de quelqu’un plus loin. Encore un exemple ! J’ai gardé le meilleur pour la fin… Un phénomène qui émerveille toujours est celui de la métamorphose. Encore une fois je ne parle pas de métamorphoses à deux balles de la grenouille mais de celle du papillon … Et oui ! C’est une mue encore une fois ! Un des phénomènes les plus formidables de la nature !

Trois autres organismes qui muent, de gauche à droite : une araignée, un crabe et un papillon. Pour ce dernier, on ne fait plus dans la dentelle, on change tout d’un coup ! 

Tous ces organismes (araignée, crabe, papillon) sont ce qu’on appelle des arthropodes, c’est à dire des animaux à pattes articulées. Vous me direz que c’est pareil pour nous, que nos pattes sont articulées. Oui mais chez les arthropodes l’articulation est particulièrement bien prononcée. Il existe dans la nature actuelle quatre grands groupes d’arthropodes : arachnides, insectes, crustacés (ces derniers en fait n’existent pas plus que les poissons puisque les insectes devraient être considérés comme des crustacés) et mille-pattes. En fait tous les arthropodes muent ! Même les mille-pattes ! Mais, et là il est temps de sortir des gros mots, la mue est encore plus répandue. En fait c’est le propre des… ecdysozoaires, un groupe d’animaux extrêmement important. Je les ai déjà évoqués ici « La phylogénie animale, une affaire pleine de rebondissements ». Et ce groupe est simplement caractérisé par la mue : tous les sous groupes qui y appartiennent muent. « Ecdysis »  par ailleurs veut dire mue en grec. C’est un groupe d’une incroyable diversité comprenant les arthropodes dont j’ai parlé plus haut, que vous connaissez bien, mais aussi les nématodes, un groupe de vers extrêmement diversifié dont quelques-uns  sont de sérieux parasites de l’homme comme l'ascaris. D’ailleurs certains parasites passent d’un organe à l’autre (charmant n’est-ce pas ?) et en réalité, ils le font  lorsqu’ils muent. Imaginez qu’en plus de traverser les organes, ils laissent des déchets derrière eux - ce n'est pas ce qu'il y a de plus hygiénique. Mais leur diversité est encore plus phénoménale et comprend certains animaux qui ne viendraient même pas à l’esprit du plus imaginatif des auteurs de science fiction.

Diversité des ecdysozoaires méconnus : a) Les loricifères que j’appelle les « animaux feu d’artifice » voyez pourquoi, b) Les nématodes ou « vers ronds » parce qu’ils sont… RONDS (transversalement) !, c) Les kinorhynches  ou « dragons de boue » parce qu’ils ont plein d’épines et vivent souvent dans la vase, d) Les onychophores ou « vers soyeux » parce qu’ils ont un aspect tout soyeux, e) les tardigrades ou « oursons d’eau » parce qu’ils vivent dans l’eau et sont trop choux, f) Les nématomorphes ou « vers gordiens » parce qu’ils font des nœuds improbables et g) Les priapuliens ou « vers pénis » parce que… bah je vous laisse deviner. Ces organismes aussi divers soient-ils muent tous et sont plus apparentés entre eux (arthropodes compris) qu’ils ne le sont de tout autre animal actuel.

La première question que l’on pourrait se poser est : « pourquoi la mue ?». Les ecdysozoaires sont des animaux à cuticule, c’est à dire qu’ils sont recouverts d’une « peau » dure et peu flexible. Par conséquent lorsque l’organisme grandit, la cuticule garde la même forme et l’animal ne prend pas de volume. Qu’à cela ne tienne ! Il suffit de se débarrasser de la cuticule, de grandir et d’en faire une autre ! Et hop, voilà simplement ce qu’on appelle la mue. Cela implique une chose évidemment c’est que la mue est un des processus les plus périlleux du règne animal. Et oui, après avoir mué nos chers amis ont la cuticule molle. Ils sont donc mous et vulnérables jusqu’à ce que la nouvelle cuticule durcisse ! Pas très avantageux me direz vous ! On peut tergiverser autant qu’on veut sur l’avantage adaptatif ou non d’avoir une cuticule rigide (c’est cool) qui rend compliquée la croissance (c’est moins cool), toujours est-il que les ecdysozoaires représentent un peu plus de la moitié des espèces vivantes  et 80% des espèces animales connues  ! C’est dire si c’est  la manière de croître majoritaire… Cela entraîne un mode de croissance bien spécial par paliers puisque l’organisme ne prend du volume qu’après la mue et arrête d’en prendre dès que la cuticule est rigidifiée. Cependant l’animal prend du poids après la mue et n’en prend plus pendant la mue. Pour nous et les autres animaux c’est simple : nous prenons de la masse et du volume continuellement et en même temps.

La croissance par mue en forme d’escaliers (D’après Invertebrates de Brusca et Brusca).

Ensuite comment se déroule la mue ? Les ecdysozoaires ne se débarrassent pas à proprement parler de leur peau mais de la cuticule, c’est à dire de la couche externe constituée de chitine, calcaire ou collagène. La couche de peau (l’épiderme) en dessous produit une nouvelle couche de cellules augmentant la surface de peau et forçant la cuticule à se détacher. Puis, une nouvelle cuticule molle va se former. Les muscles eux même sont attachés à la vieille cuticule et s’associent à la nouvelle seulement lors de la mue elle-même. Cependant les ecdysozoaires restent capable de bouger à ce moment. Il faut penser que même les « poils » (appelés soies) sensoriels des insectes et autres arthropodes fonctionnent jusqu’au dernier moment ! Et tenez-vous bien, chaque soie est reliée à un neurone et va être remplacée (tout comme les attaches musculaires) ! C’est au moment même de la mue qu’en quelques minutes chaque neurone va se connecter à la soie correspondante. Vous ne vous êtes pas encore évanouis face à tant d’émotions ? Chez les insectes la respiration se fait par un système labyrinthique de trachées disposées dans tout le corps. Oui les trachées elles aussi muent ! La mue est aussi un phénomène interne. Dans ce cas la respiration est plus difficile mais l’insecte doit faire face. De plus, juste après la mue l’insecte n’est plus « imperméable » et ne doit pas se déshydrater. Oui la mue c’est tout ça et bien plus. Quand je vous disais que c’est un phénomène formidable je ne vous mentais pas. 

Sur cette mue de cigale vous pouvez voir que le système interne de trachées lui aussi mue : ce sont les filaments blancs. Source : mue cigale.

Chez les insectes encore la mue est initiée par une hormone  intégrant de manière complexe la taille, le poids, l’alimentation et l’excrétion. Puis cette hormone va entraîner la sécrétion d’une autre appelée ecdysone (comme ecdysozoaire !) qui elle même va être convertie en une nouvelle hormone (oui c’est compliqué j’en ai bientôt fini avec les détails) la 20-hydroxy-ecdysone (ouille, ça pique les yeux) qui va être l’hormone qui va tout gérer : division des cellules de la peau, séparation de la vieille cuticule, arrêt de la mue, etc. C’est notamment contre cette hormone qu’agissent certains insecticides provoquant la mue au mauvais moment. Et comme la mue est un processus d’une complexité incroyable, si elle s’effectue au mauvais moment, l’insecte meurt. La plupart des choses que je vous ai racontées sont valables chez les insectes et sont moins connues chez les autres arthropodes et encore moins chez les autres ecdysozoaires. Il y a un organisme ecdysozoaire éloigné des insectes qui est très étudié c’est le ver  Caenorhabditis elegans, un inoffensif nématode de laboratoire. Il semble que pour l’instant il y a plus de questions que de réponses concernant sa mue. Certains résultats sur ce petit ver montrent cependant que des gènes encore non étudiés jusqu’alors semblent impliqués dans la mue. On verra bien ce que nous diront les recherches futures mais un travail colossal nous reste encore à accomplir avant de comprendre le mécanisme de la mue chez tous les ecdysozoaires notamment chez les groupes très peu connus comme les loricifères ou les kinorhynches…

Cycle de vie de Caenorhabditis elegans. Entre chaque stade « larvaire » il y a une mue. Source : ver de laboratoire.

Maintenant que l’on a vu le mécanisme de la mue en général, voici quelques anecdotes.

Tout d’abord, autant que je sache, la mue s’effectue toujours en une fois chez les ecdysozoaires, sauf chez un groupe : les cloportes et leurs proches parents (ou isopodes). En plus d’être un des deux groupes de crustacés dont certains représentants sont complètement affranchis du milieu aquatique avec les insectes (oui je vous l’avais dit, les insectes sont des crustacés ou les crustacés n’existent pas !), ce sont les seuls ecdysozoaires à faire la mue en deux fois ! Ils se débarrassent déjà de l’avant puis quelques jours après de l’arrière. Comme ça la mue est deux fois plus simple ! Mais deux fois plus fréquente… Ca entraîne aussi quelque chose d’assez joli chez certains isopodes aquatiques (proches des cloportes), c’est qu’ils vont onduler pour se débarrasser d’une moitié de mue, ce qui donne une danse amusante.

Un de mes cloportes  en train de muer. Remarquez que seul l’avant est évacué et qu’en dessous ça parait mou.
Une aselle en train de muer difficilement.

Il y a peu de gâchis dans la nature et imaginez que se débarrasser de sa cuticule c’est laisser pas mal de bagages derrière soi. Je l’ai oublié plus haut mais sachez tout d’abord que lors de la mue, la cuticule est dissoute et recyclée en grande partie pour produire la nouvelle. Mais certains insectes ont quand même des états d’âmes à laisser la partie la plus externe de la cuticule. J’ai pu observer chez mes phasmes par exemple qu’ils mangent souvent leur mue une fois qu’ils ont fini  ! Pas bête la bête !

Ici on peut voir un de mes phasmes muer puis (en fait je triche ce n’est pas le même) un phasme manger sa propre mue. Bah après tout, beaucoup de gens se mangent les peaux mortes…

J’espère que vous comprendrez avec tout ça pourquoi il est difficile d’imaginer des insectes géants . Si les ecdysozoaires actuels sont des virtuoses de la mue et que ça ne semble pas si difficile quand on voit un insecte muer, imaginez quand même que plus l’animal est grand, plus c’est difficile et ça demande des efforts. Pour vous en assurer regardez plus bas une vidéo de la mue du plus grand arthropode qui existe : une araignée de mer (qui est en fait un crabe) du Japon qui peut atteindre 3,5 mètres d’envergure ! 

Voici une araignée de mer géante muant. Ah oui ça n’a pas l’air d’être de la tarte ! 


Pour les fans de Miyazaki je suis désolé mais jamais vous ne porterez d’armure taillée dans une mue d’Ômu : ils sont bien trop grands pour exister et/ou muer. On peut quand même reconnaître à Miyazaki (entre beaucoup d’autres choses) d’avoir pris en considération ce phénomène. Source : Ômu pas content !

La mue est l’occasion de grandir et donc de changer. Cela va du petit changement à la métamorphose. Chez certains crustacés et insectes, parfois c’est assez monotone : le poisson d’argent (ou lépisme) ou le cloporte restent identiques si ce n’est un changement de taille, de couleur et l’apparition d’organes sexuels au cours des mues. D’ailleurs ils peuvent muer autant qu’ils veulent (si tant est qu’ils décident). Les mille-pattes eux gagnent de nouveaux segments à chaque mue, plus un mille-pattes est vieux plus il a de pattes (mais ils n’atteignent généralement pas le millier, désolé). S’il est vrai que les insectes ont six pattes et les arachnides huit, il y a un petit piège : les bébés acariens ont six pattes ! Voilà de quoi berner  les étudiants en zoologie et à vrai dire les profs ne s’en privent pas. Mais tous ces changements sont mineurs. La métamorphose c’est le grand jeu. On la retrouve déjà chez la plupart des crustacés : la larve est typique et appelée nauplius. Et pour certains, on aura à chaque mue une larve rigolote et différente jusqu’à avoir un crabe par exemple. Chez les insectes, les maîtres de la métamorphose sont les « holométaboles » ce qui signifie « changement complet ». En effet, notamment chez les hyménoptères (guêpes et mouches), les coléoptères (coccinelles, scarabées), les diptères (mouches, moustiques) et les lépidoptères (papillons), on a une larve (par exemple la chenille) qui va muer plusieurs fois. Puis la larve va donner une nymphe (la chrysalide) qui elle-même va donner l’ « imago » (le papillon pour cet exemple). On ignore  bien souvent la larve mais elle constitue la majorité de la vie de l’insecte. Et en fait, l’imago ne mue pas ! Chez ces insectes, le nombre de mues est donc limité. Si le passage de la larve à la nymphe est un changement externe sans mue, la métamorphose elle est une réelle mue. La plus impressionnante de toutes. Celle où les ailes apparaissent enfin. C’est en effet lors de la « mue imaginale », la dernière mue chez tous les insectes ailés, qu’ils aient une métamorphose ou non, que les ailes apparaissent enfin… Alors si vous avez bien compris, les bébés insectes n’ont jamais d’ailes ! Donc fini l’image de la famille de coccinelles avec le bébé à moins de point sur le dos car en fait le dos est recouvert par des élytres : des ailes modifiées qui n’apparaissant donc qu’à la métamorphose !

Voici la métamorphose du crabe passant par différents stades larvaires : zoé, megalopa, adulte.

Et là la métamorphose de la coccinelle. Oui le bébé coccinelle n’est pas une petite coccinelle avec peu de points sur le dos. Et la larve est cette espèce de ver adorable. Source : bébé coccinelle deviendra grande.

Et pour finir dans 1001 pattes le bébé fourmi ne devrait pas avoir de petites ailes (on repassera l’exactitude scientifique notamment avec la position des pattes et leur nombre mais je sais, ce n’est qu’un dessin animé )… Source : erreur zoologique.

Pour info, il se trouve que la mue se retrouve aussi chez quelques annélides (vers à anneaux). Certaines sangsues mueraient aussi et quelques vers marins ont des mâchoires  particulièrement développées qui muent également. Comme quoi ce phénomène est encore plus commun que ce que l’on peut penser. Mais si la mue est héritée d’un ancêtre commun chez les ecdysozoaires, il y a peu de chance qu’elle le soit entre un ecdysozoaire et une sangsue… 

Certains remarqueront que je suis un zoologiste et donc que je m’émerveille sur chaque petite bête que je croise et je deviens gaga dès qu’elle remue un poil de patte… Cependant la mue reste pour moi le phénomène le plus émouvant de la nature. C’est une espèce de renaissance de l’animal qui s’extirpe difficilement de son ancienne carapace. Un exercice délicat et difficile, périlleux et complexe. C’est l’expression du changement dans toute sa splendeur. 

Pour finir, une belle punaise effectuant sa dernière mue, enfin prête à s’envoler…

Pour aller plus loin / Bibliographie.

Ewer J. 2005. How the Ecdysozoan Changed its Coat. PloS, 3(10), 1696-1699.

Brusca R.C. et Brusca G.J. 2003. Chapter 15: The Emergence of the Arthropods: Onychophorans, Tardigrades, Trilobites, and the Arthropod Bauplan : 461-463, dans
Invertebrates, second edition. Sinauer, Sunderland.

Paxton H. 2005. Molting polychaete jaws - ecdysozoans are not the only molting animals. Evolution and Development, 7(4), 337-340.

Valentine J. W. et Collins A. G. 2000. The significance of moulting in Ecdysozoan evolution. Evolution and Development, 2(3), 152-156. 


Article Ecdysone sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ecdysone

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