mercredi 17 avril 2013

Le poisson de la vérité

Cela fait maintenant 15 jours que le mois d’avril à commencé et donc ça fait 15 jours qu’on vous laisse dans le suspens concernant nos petites histoires du 1er avril. Avez-vous réussi à identifier les poissons d’avril de la vérité ?

On était pas les seuls blagueurs du mois d'avril (source)
 Pour tout vous dire, vous n’avez pas été si mauvais dans l’ensemble, puisqu’il y a tout de même eu 60% de bonnes réponses. Pour plus de détails, lisez la suite !

1) Des animaux qui ne respirent pas : VRAI (36% de bonnes réponses) - par Nicobola

Les loricifères sont les premiers animaux découverts à vivre en milieu totalement privé d’oxygène. Trois espèces ont été découvertes en 2010 dans les fonds anoxiques hypersalins de méditerranée. Ce sont les premiers animaux à être capable d’effectuer leur cycle de vie complet en milieu tout à fait anoxique. Les observations de coupes cellulaires n’ont pas permis jusque là de trouver de mitochondries mais ont mis en évidence des structures rappelant les « hydrogénosomes » présentes chez d’autres organismes que les animaux qui ont cellules à noyau (eucaryotes). Je reviendrai sur ces organismes fascinants bientôt dans un article qui leur sera partiellement consacré.

Danovar R., Dell’Anno A., Pusceddu A., Gambi C., Heiner I. et Kristensen R.M. 2010. The first Metazoa living in permanently anoxic conditions. BMC Biology, 8:30.

2) Un nouvel espoir contre le VIH : FAUX (27% de bonnes réponses) - par Boris

Malheureusement, il n’existe à ce jour aucun traitement contre l’action du VIH dans l’organisme. Même la trithérapie ne permet pas de guérir et d’éliminer le virus de l’organisme, mais uniquement d’en retarder et d’en limiter les effets.
En revanche, Euphorbia stenoclada existe réellement et est utilisée en médecine traditionnelle pour lutter contre les affections respiratoires. Pour plus de détails, le papier de Chaabi et al. (2007) montre comment le principe actif à l’origine des propriétés médicinales de cette plante a été caractérisé.

Chaabi M., Freund-Michel V., Frossard N., Randriantsoa A., Andriantsitohaina R., Lobstein A. 2007. Anti-proliferative effect of Euphorbia stenoclada in human airway smooth muscle cells in culture. Journal of Ethnopharmacology, 109(1)134-139

3) Le son comme arme offensive : FAUX (82% de bonnes réponses) - par Naldo

Ce comportement est imaginaire : aucun actinoptérygien ne chasse en utilisant le son. Mais il est basé sur des particularités réelles !
De nombreux actinoptérygiens (rappelons-le, ils représentent l'immense majorité de l'ancien groupe des "poissons") produisent des sons qu'ils amplifient à l'aide de leur vessie natatoire remplie de gaz. C'est le cas des grondeurs (famille des Haemulidae, voir ci-dessous) - qui frottent des dents situées au fond de la gorge pour produire une sorte de stridulation -, mais aussi des épinoches, des balistes, de certains poissons-chats... D'autres espèces produisent des sons en expulsant violemment du gaz de leur vessie par la bouche : ces "rots" peuvent s'entendre de très loin ! Enfin, certains actinoptérygiens produisent le son en faisant vibrer des muscles spéciaux directement situés dans la paroi de la vessie natatoire. C'est le cas des grondins (Triglidae) ou des poissons-crapauds (Batrachoididae, voir ci-dessous). Chez ces espèces, même la vessie natatoire disséquée est capable de produire un son !

Comme vous pouvez le constater, entre stridulations, grincements de dents, rots et bruits de tambour, les fonds sous-marins sont un endroit plutôt bruyant. L'expression "muet comme une carpe" est donc très loin de la vérité !
Les Haemulidae (Plectorhinchus lineatus, à gauche) font grincer leurs dents pharyngiennes pour produire des sons. Les Batrachoididae (Halophryne diemensis, à droite) font vibrer les muscles de la vessie natatoire.
Sources : 1, 2.
Le mécanisme de transmission du son que j'ai évoqué existe réellement, à ceci près qu'il ne sert pas à émettre un son, mais à mieux entendre. Cet ensemble de petits os fins formant une chaîne (appelé appareil de Weber) est dérivé des 4 ou 5 premières vertèbres. De la même façon que dans l'oreille moyenne des mammifères (constituée d'os du crâne et de la mâchoire), cette modification du squelette permet de transmettre le son de manière très efficace. On trouve cet appareil de Weber chez la plupart des actinoptérygiens d'eau douce, comme la carpe, le piranha, le poisson-chat et l'anguille électrique.

Enfin, peut-être que certains se sont demandés quelle était cette bestiole extraordinaire sur la photo. Eh bien, il s’agit de la blennie du Pacifique Neoclinus blanchardi. Cette bouche ouverte extrêmement large n'est pas une parabole servant à concentrer le son, mais sert aux mâles au moment de la reproduction : celui qui a la bouche la plus large gagne les faveurs des femelles. Ce comportement est visible sur l'étonnante vidéo ci-dessous.


Demski L. S., Gerald J. W., Popper A. 1973. Central and peripheral mechanisms of teleost sound production. American Zoologist, 13(4): 1141-1167.


4) Une île aseptisée? FAUX (91% de bonnes réponses) - par Battle

L’île de la Solitude existe bel et bien en mer de Kara mais cette découverte n’y a jamais été faite. Nulle part d’autre d’ailleurs ! En effet, il parait peu probable qu’un écosystème puisse exister sans micro-organisme étant donné que les êtres vivants les plus résistants qu’on connaisse sont des micro-organismes. De plus, les micro-organismes bactériens, fongiques ou protozoaires, sont les acteurs majeurs du recyclage des nutriments grâce aux phénomènes de décomposition de la matière organique dont ils sont capables. Autre élément qui indique leur nécessité pour la survie d’un écosystème, ce sont les multiples interactions entre les animaux ou végétaux et ces micro-organismes. Il suffit de regarder dans les bactéries du système digestif d’une vache, les champignons dans les racines de très nombreuses plantes (on appelle ça des mycorhizes) ou encore dans le corps humain où les bactéries sont au moins aussi nombreuses que nos propres cellules mais tout aussi indispensable à notre bien-être.


5) Le « serpent de mer » existerait bel et bien : VRAI (82% de bonnes réponses) - par Naldo

L'animal dont le billet parle et qui est représenté sur la photo existe bien : il s'agit du régalec (Regalecus glesne), ou roi-des-harengs, un actinoptérygien marin géant pouvant atteindre 11 mètres de long, voire plus.
En raison de son apparence extraordinaire (un long corps aplati et argenté, des nageoires extrêmement longues et rouges vif), le régalec est probablement à l'origine de nombreuses légendes, comme celle du serpent de mer ou du Naga en Asie du Sud-Est. A Taïwan, on dit que sa venue prévient de l'arrivée d'un tsunami.
Animal vivant en haute mer et en profondeur, il a rarement été observé dans son milieu : les quelques données que l'on possède sont principalement issues de spécimens échoués en eau peu profonde. Tout au plus sait-on qu'il se nourrit de plancton, qu'il nage à la verticale droit comme un I, et qu'il est probablement capable d'autotomie (c'est-à-dire de sacrifier une partie de son corps face à un prédateur, comme les lézards).

Le régalec : à gauche en position de vie, à droite échoué sur une plage - une observation malheureusement beaucoup plus courante !
Roberts T. 2012. Systematics, Biology and Distribution of the Species of the Oceanic Oarfish Genus Regalecus (Teleostei, Lampridiformes, Regalecidae). Publications Scientifiques du Muséum, Paris, 268 pp.

6) Une plante se nourrissant d’excréments de fourmis : VRAI (82% de bonnes réponses) - par Sophie

La symbiose entre la plante Nepenthes bicalcarata et l’espèce de fourmis Camponotus schmitzi présente une multitude de facettes. Les fourmis y trouvent un logement tandis que la plante bénéficie en échange de protection. Mais les deux espèces fonctionnent également sur la base d’un mutualisme alimentaire. Tandis que les fourmis récupèrent des proies au fond de l’urne, la plante bénéficie des qualités digestives des fourmis. Ainsi, selon Bazile et al. (2012), l’azote foliaire de la plante proviendrait à 42% des déjections des fourmis ! Les plantes ne disposant pas de fourmis présenteraient même des carences en nutriments…

Bazile, V., Moran, J.A., Le Moguédec, G., Marshall, D.J. & Gaume, L. 2012. A Carnivorous Plant Fed by Its Ant Symbiont: A Unique Multi-Faceted Nutritional Mutualism. PLoS ONE, 7, e36179- e36179.


7) Evolution chimique du génome bactérien ! VRAI (9% de bonnes réponses) - par Battle

Un code universel, pas si universel que ça finalement ? On ne peut pas réellement le dire. Car effectivement de nouvelles nucléobases apparaissent régulièrement par mutation dans le code génétique mais il n’a jamais été montré qu’une telle mutation ait été fixée dans une espèce sans action humaine. La souche d’E. coli dont je vous ai parlé a bel et bien modifié le fonctionnement entier de son génome intervertissant la thymine avec la chlorouracile au fur et à mesure des générations. Mais cela a nécessité que les chercheurs n’incorporent plus dans le milieu de croissance de la thymine mais seulement de la chlorouracile pendant de nombreuses générations. Dans la nature, même si des mutations apparaissent, ce changement de disponibilité des nucléobases dans le milieu n’a pas lieu, impliquant que la sélection naturelle de ces mutations peut difficilement avoir lieu. La présence et la persistance des 4 nucléobases classiques (adénine, thymine, guanine et cytosine) depuis des milliards et des milliards de générations dans l’ensemble des organismes de notre planète est un signe assez fort de leur stabilité et de leur pérennité. En revanche, les compétences et les connaissances de l’homme sont aujourd’hui suffisantes pour pouvoir exploiter des souches arborant un nouveau type de génome à des fins médicales ou d’innovations biotechnologiques.

Marlière, P., Patrouix, J., Döring, V., Herdewijn, P., Tricot, S., Cruveiller, S., Bouzon, M. & Mutzel, R. 2011 Chemical evolution of a Bacterium’s Genome, Angewandte Chemie International Edition, 50: 7109-7114


8) Le retour du pied préhensile chez l’humain ? FAUX (91% de bonnes réponses) - par Sophie

Ce n’est pas encore aujourd’hui que les humains se serviront de leurs 4 mains… Cependant, si aucun cas d’orteil préhensile n’a été découvert chez l’homme, le phénomène d’atavisme existe bel et bien. Il s’agit de la résurgence d’un caractère ancestral. Le caractère en question peut être relativement complexe, et demander l’intervention de plusieurs gènes : il suffit qu’un seul de ces gènes ait été inactivé pour que le caractère n’existe plus. Une réactivation de ce gène permettra donc à toute la cascade de gènes de s’exprimer de nouveau. Parmi les cas les plus fréquents, on note par exemple la réapparition de doigts chez des chevaux, de membres inférieurs chez des dauphins, de pattes chez les serpents… Chez les humains, la présence d’une queue, prolongement de la colonne vertébrale, a été documentée chez plusieurs nouveau-nés.

Quelques cas d'atavismes chez le cheval et le dauphin (Source)
Cas d'atavisme plusieurs fois observé chez l'être humain, la réapparition de la queue, parfois capable de mouvements (Source)



9) De petits animaux jouant avec la mort : FAUX (9% de bonnes réponses) - par Nicobola

A part une personne, tous les autres sont tombés dans le panneau ! Peut-être n’avez vous pas lu jusqu’au bout ? Il n’a jamais été trouvé de tardigrades en cryptiobiose depuis 1000 ans. On est justement bien loin de leurs records : contrairement à beaucoup de légendes à leur propos, il n’a jamais été mis en évidence que les tardigrades puissent rester en cryptobiose plus de deux décennies, ce qui est déjà un temps considérable. Certes ils peuvent résister aux rayons cosmiques, au zéro absolu, aux températures extrêmes etc. Mais toujours pour un temps assez court et une mortalité assez forte. Pour un article en anglais démêlant le vrai du faux à leur propos vous pouvez lire l’article de Jönsson et Bertonali.

Jönsson K. I. and Bertonali R. 2001. Fact and fiction about long-term survival in tardigrades. Journal of Zoology, 255, 121-123.


10) Somewhere... Over the rainbow? VRAI (45% de bonnes réponses) - par Boris

Et oui, on ne dirait pas mais cette écorce est tout à fait naturelle… Vous pouvez voir ici un panel de photographies toutes plus colorées les unes que les autres) . L’arbre existe bel et bien, il pousse naturellement aux Philippines mais peut se retrouver dans différents endroits de l’Océanie (voir la page suivante). Je n’ai pas beaucoup trouvé d’informations concernant les mécanismes biochimiques qui permettent d’obtenir une écore aussi colorée, cependant le fait d’avoir plusieurs couches d’écorce de couleurs différente est présent chez certaines espèces… Dont une que vous connaissez très bien ! C’est le platane (espèces du genre Platanus), que l’on retrouve le long de nos routes et même dans nos villes. Ces arbres résistent bien à la pollution de l’air des villes car leur écorce se renouvelle constamment, par plaques entières. Cela permet d’éliminer en même temps la couche de polluants qui se sont déposés à la surface, favorisant ainsi la respiration des cellules des tissus situés sous l’écorce.


11) Bombardements lumineux ! VRAI (100% de bonnes réponses) - par Aurélide

Avec 100% de bonnes réponses, il semblerait que les annélides n’aient pas de secrets pour vous !
Dans la catégorie des animaux qui utilisent la bioluminescence pour échapper à leurs prédateurs, certains crinoïdes ont la possibilité de sacrifier un bras bioluminescent entièrement. Mais vous imaginez bien que c’est une perte très coûteuse puisque il faut un certain temps avant que le bras ne repousse. Chez certaines annélides de la famille des Aphroditidae, cette perte est moins onéreuse puisque ce sont des élytres bioluminescents qu’elles larguent pour distraire le prédateur et s’enfuir. Dans le cas de Swirma bombiviridis de la famille des Acrocirridae, ce sont des structures particulières dont elles se débarrassent. Il s’agit de branchies modifiées, en forme de boule et qui se trouvent tout près de la tête. Lorsque l’animal se sent en danger, il lâche ses boules qui se mettent ensuite à s’illuminer. Contrairement au magicien qui disparaît sous un nuage de fumée, Swirma bombiviridis, elle, disparaît sous un feu d’artifice.



Voilà, maintenant vous savez toute la vérité ! On est fiers d’avoir réussi à vous bluffer que ça soit par de pures inventions de notre imaginaire ou alors par de vrais faits scientifiques tout à fait improbables. On espère que ce petit jeu vous a plu et vous a appris plein de petites anecdotes.

lundi 1 avril 2013

Poisson d'avril ou pas ? A vous de deviner

Pour le premier avril, poisson ou pas, nous vous avons réservé un petit jeu : nous avons tous ensemble rédigé 11 paragraphes à propos de faits extraordinaires concernant la biologie des organismes... Mais bien sûr certains sont faux quand d'autres sont vrais ! Saurez-vous faire la part du faux et du vrai ? Et nous expliquer pourquoi ?

Attention, pas de triche ! Je vous surveille (Source)

1) Des animaux qui ne respirent pas

Les loricifères sont de très étranges animaux microscopiques et marins vivant entre les grains de sables, découverts récemment dans les années 1970. Pendant longtemps aucun spécimen vivant n’avait jamais été observé, leur étude n’avait été faite que sur des animaux morts. Leur morphologie et leur cycle de vie complexe n’ont cessé d’impressionner les scientifiques pour de si petits animaux, mais ils avaient encore une surprise de taille : ce sont les premiers animaux découverts à être capable d’effectuer leur cycle de vie complet sans oxygène ! D’autres sont connus pour résister à son absence mais sans être capable de se reproduire sans. Mieux encore, ils auraient perdu leurs mitochondries, des organes cellulaires indispensables aux autres animaux et permettant la respiration ! Et coup de grâce, ce n’est pas moins de trois espèces dans ce cas qui ont découvertes en méditerranée !

Illustration d’un loricifère… Bonne tête pour un animal de moins d’un demi millimètre !  (Source)


2) Un nouvel espoir contre le VIH

L’Euphorbe Euphorbia stenoclada (présente dans le sud-sud-ouest de Madagascar) est utilisée traditionnellement contre l’asthme et les affections respiratoires. Des études récentes ont mis en évidence que les molécules produites par cette plante avaient la capacité de stopper l’infection des cellules par des pathogènes tels que les virus par exemple. En particulier, des cellules de fibroblaste humain, prétraitées à l’aide d’un extrait de cette plante, montraient des résistances inhabituelles au VIH. D’autres expériences sur les lymphocytes T4, cible directe du VIH, se sont montrées prometteuses ; et même des tissus infectés artificiellement en laboratoire puis traités par la Quercetine (cf fig. ci-dessous) ont montré une nette diminution de la virulence du VIH. Reste maintenant à savoir si cette molécule va se comporter pareillement au sein d’un organisme entier !


La molécule Quercetine, responsable de l'action anti-proliférante. D'après Chaabi et al. 2007, Journal of Ethnopharmacology)


3) Le son comme arme offensive

Les actinoptérygiens (à nageoire rayonnée, ils représentent la majeure partie de l'ancien groupe des "poissons") ont développé au cours de l'évolution un arsenal très divers d'armes offensives et défensives, qui vont d'épines empoisonnées à la production de chocs électriques. Une découverte récente chez une espèce de blennie du Pacifique ajoute la production de son à cet arsenal. Cette espèce a une mâchoire très mobile (visible sur la photo ci-dessous), reliée par un ensemble de petits os très fins (appelé appareil de Weber) à la vessie natatoire (organe rempli de gaz servant à la flottaison). L'ouverture en grand de la mâchoire fait jouer cet ensemble de petits os entre eux, produisant un son sec qui va ensuite être amplifié (à la manière d'une caisse de résonnance) par la vessie natatoire. La forme en parabole des mâchoires ouvertes permettra de concentrer le son produit, le rendant très puissant. Un son sec et puissant produira des vibrations dans l'eau qui peuvent causer des lésions importantes chez d'autres actinoptérygiens. Les chercheurs qui ont étudié ce mécanisme en ont déduit qu'il avait un double rôle d'attaque (immobilisation des proies) et de défense contre les prédateurs plus gros.


4) Une île aseptisée ?

Jusqu’il y a quelques mois, l’ensemble de la communauté des chercheurs en écologie s’accordait à dire que pour qu’un écosystème se maintienne, les micro-organismes (c’est-à-dire les bactéries, les archées et la plus grande partie des eucaryotes dont les champignons et les protozoaires) étaient indispensables, car ils effectuent des tâches indispensables au bon fonctionnement et à la stabilité dans tous les types d’écosystèmes. C’est sans compter la découverte effectuée début 2012 sur l’île de la Solitude (ou île Ouedineniïa) en mer de Kara au nord de la Russie! Des chercheurs de l’institut Vavilov (centre de recherche agronomique de Saint Pétersbourg) ont statué sur l’absence totale de microorganisme sur cette île. Bien que la région connaisse un climat plutôt rude, il n’y a en apparence aucune raison pour que cette île ait été débarrassée de toutes ces espèces microscopiques alors que les autres écosystèmes du Nord de la Russie comptent des millions d’espèces en tout genre. Les chercheurs ont en revanche pu observer des spécimens de végétaux et d’animaux qu’on pourrait classer comme macro-organismes. La seule présence de ces macro-organismes laisse penser que tout le petit monde microbien a été contre-sélectionné. La question en suspens est que s’est-il passé de particulier sur cette île pour que même les archées, organismes souvent extrêmophiles (capable de vivre dans des conditions très difficiles), aient disparues...



Situation géographique de l'île de la Solitude (source: Wikipédia)

5) Le "serpent de mer" existerait bel et bien

Des animaux marins gigantesques ressemblant à des serpents se retrouvent régulièrement dans les légendes de marins, à toutes les époques et partout dans le monde. Se pourrait-il que ces légendes soient inspirées d'observations réelles ? C'est ce que pensent les zoologistes Helmut Oelschläger et Tyson Roberts. Ils ont analysé des dizaines d'observations de "serpents de mer" au cours des 200 dernières années, certaines étant documentées par des photographies (voir ci-dessous), et en ont conclu qu'elles correspondaient à un organisme réel. Néanmoins la biologie et l'anatomie de cette espèce mystérieuse pouvant atteindre plus de 10 mètres restent à définir plus précisément.

Cette photo représente des soldats de la marine américaine avec un animal qui fut pris pour le légendaire Naga du delta du Mékong. Source

6) Une plante se nourrissant d’excréments de fourmis

Si les symbioses entre plantes et insectes sont chose courante, certaines sont plutôt atypiques. Prenez la plante Nepenthes bicalcarata, terrible carnivore à l’apparence de serpent, avec ses deux crochets au dessus de son piège mortel. Malgré sa dangerosité, des fourmis y ont élu domicile et lui apportent de surcroît des bénéfices. En effet, elles lui assurent une protection contre les herbivores, notamment pour les jeunes pousses. Mais mieux encore : des chercheurs français ont mis en évidence l’année dernière que les fourmis jouent aussi le rôle d’assistant alimentaire, en s’occupant de digérer les proies de la plante… et en lui fournissant ensuite leurs déjections. Un complément alimentaire riche en azote qui assure à la plante une bonne croissance.

Le piège de la plante carnivore Nepenthes bicalcarata (Source)


7) Evolution chimique du génome bactérien !

Pour un peu qu’on ait fait de la biologie au lycée, on sait que le code génétique est universel, c’est-à-dire que l’ensemble des êtres vivants possède un ADN composé de 4 éléments constitutifs appelés des nucléobases (l’adénine, la thymine, la guanine, et la cytosine). Il y a peu, une équipe internationale de chercheurs a réussi à créer et à sélectionner une nouvelle souche d’Escherichia coli (la fameuse bactérie modèle en science du vivant) dont le génome n’est pas constitué de ces 4 nucléobases mais où la thymine est remplacée par du chlorouracil. Cette modification au niveau de l’ADN est initialement due à une mutation apparue naturellement. Les chercheurs ont ensuite sélectionné les bactéries mutées en ne mettant à disposition dans le milieu que de l’adénine, de la guanine, de la cytosine et du chlorouracil pendant 164 jours afin d’obtenir une souche stable. Cette souche E. coli mutée est donc une exception à l’universalité du code génétique !


E.coli en 3D (source)

8) Le retour du pied préhensile chez l’humain ?

Les scientifiques ont récemment été confrontés à un cas d’atavisme plutôt atypique au Mexique : la naissance de deux frères partageant comme particularité d’avoir les gros orteils opposés aux autres doigts de pieds. Caractère partagé par tous les primates, les pouces opposables des pieds ont été perdus au cours de l’évolution chez les humains. Le phénomène de l’atavisme correspond à la réactivation d’un gène toujours présent dans notre ADN mais rendu muet par l’évolution. Des cas sont plus connus de réapparition de queue chez l’humain, ou encore de pattes chez des serpents. Les chercheurs sont parvenus à repérer le gène muté chez les deux frères, et seraient en mesure de reproduire la particularité artificiellement, ce qui pose cependant des problèmes d’éthiques. Ils ne sont actuellement pas en mesure de prédire si la descendance des deux frères partagera cette particularité.

Pied de chimpanzé et pied d'humain (Source)

9) De petits animaux jouant avec la mort 

Les tardigrades sont parfois connus des étudiants en biologie parcequ’ils sont adorables mais aussi pour leurs incroyables propriétés de résistance. Ces petits animaux de moins d’un millimètre de long se trouvent partout sur le globe. Vous pouvez en trouver dans les mousses. Ce qu’il y a d’incroyable c’est qu’ils peuvent rentrer en état dit de cryptobiose : lorsque les conditions de vies ne sont plus favorables ils « s’arrêtent de vivre » et reprennent leur vie active une fois les conditions nécessaires revenues. On sait qu’ils peuvent rester plusieurs décennies en cryptobiose. Mais des chercheurs ont retrouvé en décembre 2012 des tardigrades en cryptobiose depuis près de 1000 ans dans les lacs subglaciaux Antarctiques ! Bien sûr une très faible proportion est revenue à la vie, mais cela fait de ces rares petits survivants les individus animaux (et non pas colonies !) les plus vieux répertoriés ! 

A gauche, un tardigrade en état actif, à droite un tardigrade en cryptobiose. (Source :  Welnicz et al. 2011)

10) Somewhere... Over the rainbow ?

L’Eucalyptus Arc-En-Ciel Eucaylptus deglupta pousse aux Philippines. Cet arbre possède naturellement une écorce très colorée, suite l’exposition des tissus vieillissant au contact de l’air. En effet, l’écorce de cette plante se desquame progressivement, c'est-à-dire qu’elle s’effiloche vers l’extérieur au fur et à mesure de sa production. Les couches les plus jeunes se situent en dessous et sont vertes lors de leur formation. Elles sont remplacées progressivement par d’autres couches et vont changer de couleur au fil du temps, jusqu’à tomber au pied de l’arbre lorsqu’elles seront totalement desséchées. Comme l’écorce n’est pas produite de manière continue et intégrale aux différents endroits du tronc, elle ne vieilli pas de la même manière partout, d’où la présence de couleurs différentes.


Vue rapprochée de l'écorce de E. deglupta

11) Bombardements lumineux !

La bioluminescence n'aura pas fini de nous épater. Après les lucioles, les champignons, les requins, les dinoflagellés ou encore les ophiures, les vers sont également un groupe dans lequel on retrouve l'utilisation de la bioluminescence. Selon les espèces, la bioluminescence n'a pas la même fonction. Elle peut être utilisée comme moyen de répulsion contre des prédateurs, un moyen d'attraction pour attirer les proies, mais peut également servir à communiquer ou à se camoufler.
Swima bombiviridis est un annélide, un ver marin qui a été découvert très récemment (en 2009) à 1800 mètres de profondeur ! Sa particularité à lui c'est de faire peur à ses prédateurs, de les distraire en larguant des "bombes" bioluminescentes (d'où son nom) !
Alors, inspiré? Vous trouverez les réponses ici !

samedi 16 mars 2013

Les plantes ont-elles un cerveau ?

Thématique de la semaine au C@fé desSciences du 11 au 17 mars : cette fois ci, on parle du cerveau. Alors, me direz vous, qu’est ce que la botanique vient faire ici ? Après tout, le cerveau, c’est un truc de Métazoaires, non ?
Eh bien, pas si sur…

D’abord, il faut savoir que même si les plantes sont généralement fixées, elles ne sont pas dépourvues de capacité de mouvements, de manière plus ou moins spectaculaire. Tous ces mouvements sont la conséquence d’un ensemble de signaux qui traversent la plante, à l’instar des signaux transmis par les neurones chez les animaux.
Ainsi, quand on parle de mouvement chez les Végétaux, on a en tête par exemple les changements de position des plantes en pot en appartement qui semblent se diriger vers la lumière… comme si elles étaient attirées par elle. En réalité, la partie de la tige située du côté le plus sombre va subir une croissance plus rapide que la partie située à la lumière, ce qui aura pour conséquence une courbure de la plante vers la lumière. Pourquoi je vous parle de cela ? On n’était pas censé parler cerveau ? Attendez un peu… Si les plantes se comportent ainsi c’est qu’elles ont reçu un signal hormonal : à savoir celui provoqué par une petite molécule appelée auxine. L’auxine va être déportée vers le côté sombre de la plante et comme cette hormone enclenche des phénomènes de croissance, on observera une croissance différentielle de la tige et donc sa courbure.

D’autres mouvements plus spectaculaires ont lieu chez les plantes : c’est le cas chez les plantes carnivores du genre Dionaea dont le piège est capable de se refermer en 1/30ème de seconde sur l’insecte imprudent qui sera venu se poser dedans. Ce mouvement très rapide est dû à un courant ionique calcique qui se déclenche et a pour effet de changer l’acidité dans les cellules de la nervure centrale de la feuille (qui porte le piège). Ce changement provoque une fermeture du piège par différence de pression hydrostatique… et l’insecte est piégé ! (Barthlott et al. 2008)
Or, les courants ioniques sont à la base même des potentiels d’action présents dans les neurones des animaux et qui servent à transmettre l’influx nerveux. Chez les plantes, donc, on peut observer une analogie concernant la transmission quasi instantanée des signaux, bien que ce ne soient pas les mêmes mécanismes impliqués que dans le cerveau.

Une petite vidéo de la BBC One (en anglais), montrant la vitesse de fermeture des pièges chez la Dionaea.


Et ce n’est pas fini ! Les plantes sont donc capables de produire des signaux transmis rapidement à l’intérieur même de leur organisme, mais elles sont également capables de communiquer à distance avec d’autres plantes… et pas forcément des individus de la même espèce ! Ainsi, Heil et Karban (2009) expliquent que les plantes communiquent entre elles grâce à l’émission de COV (Composés Organiques Volatils) qui sont des molécules organiques complexes produites par les plantes lorsqu’elles sont blessées, sujettes à l’herbivorie et à la prédation. Dès que ces COV seront captés par d’autres plantes, pas encore agressées par les herbivores, les cellules de ces dernières vont produire des composés qui auront pour conséquence de rentre les feuilles non comestibles, voire carrément toxiques… tout ça alors que l’herbivore en question est encore loin.
Les plantes sont donc capables de communiquer entre elles à distance et surtout, elles sont capables de se comprendre et de réagir promptement à la menace de prédation.

Une dernière chose. Dans leur article de 2005, Baluska et al. observent un fonctionnement des cellules végétales similaire à celui des synapses des animaux : deux prolongements cellulaires, provenant de deux cellules différentes, qui échangent des molécules particulières : ce sont des molécules d’auxine, l’hormone dont j’ai parlé au début. Ces échanges rapides et à l’aide de vésicules (structures cellulaires permettant de libérer les auxines dans l’espace situé entre les deux prolongements cellulaires) ne sont pas sans rappeler le fonctionnement des synapses dans le cerveau. Ces signaux transmis par les auxines vont là encore permettre à la plante de réagir rapidement en cas de blessure, afin de « colmater la brèche » dans ses tissus par exemple.

Pour conclure, on peut dire que les communications complexes au sein d’un organisme ne sont pas l’apanage des animaux… et que même si les plantes ne possèdent pas de cerveau à proprement parler, elles n’en sont pas moins des êtres vivants capables de produire des signaux très rapides, améliorant leur propre survie !

Bibliographie

Barthlott W., Porembski S., Seine R., Theisen I., 2008, Plantes carnivores – biologie et culture. Editions Belin, Paris

Heil M. and Karban R. 2009. Explaining evolution of plant communication by airborne signals. Trends in Ecology and Evolution. Vol.25 No.3

Baluska F,Volkmann D and Menzel D. 2005. Plant synapses: actin-based domains for cell-to-cell communication. TRENDS in Plant Science Vol.10 No.3

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