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mardi 23 septembre 2014

Mission to Mars : une affaire de sol !

Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, on va parler un peu de science fiction. Ouiiii je sais ce n’est pas l’objectif du blog, on est supposé parler de ce qui existe sur Terre et pas de ce qui pourrait exister dans l’espace.

Bref. Il y a quelques temps, je suis retombé sur un livre égaré au fond de ma bibliothèque : The Mars Trilogy, de Kim Stanley Robinson. Je dois avouer que, étant un gros flemmard, je l’ai lu en version française. Pour la faire courte, il s’agit de l’histoire romancée des premiers humains à avoir colonisé Mars. On nage bien en pleine science fiction. Quoique, avec le projet Mars One de la NASA, peut-être qu’on n’en est pas si loin… Sans vous dévoiler l’intrigue de ce livre, quelle ne fut pas ma surprise de constater que bon nombre de techniques et technologies présentées sont aujourd’hui bien réelles et utilisées (presque) tous les jours ! Entre autre, il y a le problème de la terraformation – néologisme décrivant la transformation d’une planète hostile à l’être humain en planète dont les conditions naturelles sont semblables à celle de la Terre. Dans le livre de la trilogie de Mars, les colons font face à ce souci récurrent : comment faire pousser des plantes à la surface de Mars ?

Alors oui, bien entendu, il y a le problème de la température (il fait « légèrement » plus froid sur Mars que sur la Terre, c'est-à-dire une température moyenne de -55°C ; il vaut mieux ne pas oublier son chandail et ses moon-boots quand on sort faire son footing) qui empêche directement la croissance des plantes. Mais qu’à cela ne tienne ! Imaginons un instant que des êtres humains s’installent sur Mars, ils n’iront pas se faire bronzer tout de suite en haut du Mont Olympus. Ils resteront probablement enfermés dans des caissons étanches pressurisés. En effet, en plus de faire plutôt froid à la surface de Mars, l’atmosphère y est irrespirable pour l’être humain : elle est composée à 95% de CO2. Par comparaison, l’atmosphère actuelle de la Terre contient 0.04% de CO2 et des études cliniques montrent qu’à partir de 6% ou 7% de CO2 dans l’atmosphère, on commence à éprouver une gêne respiratoire. Sans compter que la pression est bien moins importante sur Mars que sur la Terre : elle se situe à environ 600 Pascal (c’est l’unité de mesure de la pression atmosphérique) si on fait une moyenne. Il ne faut pas oublier que sur Terre la pression moyenne est de 101300 Pascal, ce qui fait que la pression atmosphérique terrestre est environ 170 fois plus importante que celle de Mars. On va donc éviter pour le moment de sortir sans scaphandre intégral, sous peine de mourir de froid, d’asphyxie et de pertes de fluides vitaux par tous les orifices.

Revenons à nos colonisateurs. Quelle sera leur priorité une fois installés ? Eh bien ils auront à assurer leurs besoins immédiats : nourriture, air, eau. C’est bien joli d’envoyer tout ça depuis la Terre, mais au bout d’un moment, manger des conserves, ça fait péter les plombs ! Du coup, il faudra qu’ils cultivent leur propre nourriture… Et pour ça, c’est pas compliqué ! Un peu de terreau, quelques graines et hop ! un potager sous serre ! Oui mais voilà : sur Mars, il n’y a pas de sol. C’est juste de la pierre nue ! Du coup, des chercheurs se sont posé la question : est-on à l’heure actuelle capable d’identifier des plantes qui pourraient potentiellement croitre sur les sols martiens ? Cet article a déjà été analysé par Pierre Barthélémy sur leblog « passeur des sciences » ou vous pouvez aller voir directement ce que disent les chercheurs hollandaisdans leur article. Tout ça pour dire que, oui, certaines plantes sont bien capables de pousser sur des sols martiens.

Suite à ça, j’aimerai revenir sur un point clé : c’est quoi, un sol ? Qu’est ce qui fait qu’un sol est « bon » pour une plante ? Reprenons du début, et tournons nous vers le passé avant de regarder vers l’avenir. Prenons l’exemple de la Terre à l’Ordovicien, période qui se trouve grosso-modo entre -485 et -443 millions d’années. A peu près. A la louche, quoi. Bref. A cette époque, c’est plutôt vide à la surface de la Terre – alors que sous l’eau, oh boy, c’est la grande fiesta ! Mais ce n’est pas vide pour très longtemps : les plantes chlorophylliennes vont coloniser ce no man’s land… mais ça ne s’est pas fait en un jour ! Au début, on trouvait vraisemblablement des organismes proches des lichens, des cyanobactéries, des organismes résistants mais ne dépassant probablement quelques centimètres de haut ([1] et [2]). Et c’est là que nous en revenons à notre planète Mars. Car sur la Terre à cette époque, tout du moins sur les continents, les conditions s’apparentent à ce qu’on trouve actuellement sur la planète rouge : de la roche nue et constamment balayée par les vents. Pas terrible pour nos petites plantes actuelles qui ont l'habitude d'avoir un sol profond pour développer leurs racines ! 

Paysage du Silurien, la période géologique juste avant le Dévonien. Que des petites plantes à ras de terre, qui poussent directement sur la roche nue. Source

Vous avez déjà du remarquer qu’il existe différents types de sols, ne serait-ce que lors d’une promenade en forêt, par comparaison avec les pelouses bien entretenues du parc municipal d’à côté. Prenons un sol typique, comme montré sur la photo suivante

Une coupe de sol. Source 

Le sol, c’est un gros gâteau, en fait. C’est un ensemble de couches, appelées « horizons ». Au dessus du gâteau, le glaçage, c’est la partie vivante du sol, qui comprend la litière (l’ensemble des feuilles et organismes morts qui se déposent progressivement à la surface) et l’humus (qui est l’horizon où se retrouve l’ensemble de la matière organique morte et tous les décomposeurs tels que les vers de terre, insectes et champignons). C’est l’humus qui est la partie la plus importante du sol : il contient tous les nutriments nécessaires à la croissance des plantes terrestres, et en particulier, tout l’azote nécessaire à la synthèse des protéines des plantes ainsi que le phosphore utilisé dans la construction des ADN et ARN. C’est pour ça qu’on ajoute des engrais azotés et phosphatés dans les cultures, car au bout d’un moment ces ressources s’épuisent si le sol est trop cultivé ! En dessous, dans la génoise du gâteau, on retrouve progressivement un mélange entre la matière organique morte et la roche-mère plus ou moins fragmentée. C’est là que se retrouvent aussi toutes les grosses racines des arbres, qui cherchent toujours plus loin en profondeur l’eau, élément également essentiel à la croissance des plantes.

Du gâteau, ce sol ! Ou bien est-ce le contraire ? Source
Et c’est là qu’on arrive à une autre découverte qui pourrait bien aider les futurs colons martiens : d’autres chercheurs espagnols  ont mis en évidence que certaines plantes étaient capables d’utiliser l’eau contenue dans les roches. Je précise : contenue dans les roches à l’échelle moléculaire. On parle ici d’eau de cristallisation, présente directement dans les cristaux de roches. En particulier cette eau se retrouve dans le gypse hydraté, appelé également sulfate de calcium hydraté. Ici, l’eau est associée très étroitement aux autres atomes et est, théoriquement, indisponible pour les végétaux (pour info, le gypse, une fois chauffé et déshydraté, sert à faire du plâtre). Eh bien, finalement, peut être pas… les chercheurs ont mis en évidence avec des études isotopiques que des molécules d’eau, initialement présentes dans le gypse, se retrouvaient au cours de la journée dans les plantes qui poussaient directement sur ce minéral. Je ne vais pas détailler la méthode, mais il est possible de différencier l’eau disponible présente dans le milieu, de l’eau – normalement – indisponible présente dans les pierres. Conclusion : certaines plantes, soumises à des conditions de croissances extrêmement difficiles, possèdent des caractères et des techniques qui leur permettent de récupérer l’eau contenue dans les roches. Et ce qui est très intéressant, c’est qu’il existe sur Mars des roches qui se comportent comme le gypse…

Un peu plus haut, j’ai parlé de la nécessité pour les plantes d’avoir des composés azotés et phosphatés dans le sol à leur disposition pour pouvoir croître. Pour revenir à l’étude réalisée par les chercheurs hollandais, ils ont mis en évidence que les légumineuses poussaient sans problème sur des sols dépourvus de toute matière organique. En effet, ces plantes possèdent la capacité de récupérer l’azote atmosphérique et peuvent donc se développer sans apports provenant du sol… du moment qu’il y a de l’eau en quantité ! Les légumineuses sont ce qu’on appelle des plantes pionnières : elles s’installent sur un sol dépourvu ou presque d’éléments nutritifs, croissent puis meurent, et laissent un sol plus riche qu’au départ car elles ont fixé l’azote de l’air en matière organique utilisable par d’autres plantes qui elles, ont besoin de cet apport dans le sol. Le problème c’est que sur Mars, il n’y a pas ou peu d’azote disponible dans l’atmosphère… donc là encore, il faudrait que les futurs martiens trouvent comment apporter de l’azote sur la planète .

La plante idéale pour commencer une terraformation devrait donc être capable de pousser directement sur la roche nue, sans apport d’eau, ou presque. Il faudrait cependant que la technologie protège ces végétaux de la trop faible pression atmosphérique, en faisant par exemple pousser des forêts sous dômes transparents. Par la suite, les composés produits par les végétaux pourraient être exportés à la surface nue de Mars pour commencer à former des sols. Dans un avenir pas si lointain, en utilisant toutes nos connaissances sur les comportements et les caractéristiques des différentes plantes, on pourrait être capable d’utiliser tout un cortège de plantes pionnières afin de préparer des sols viables pour d’autres générations de plantes plus exigeantes. Imaginez : une plante pour récupérer de l’eau de cristallisation, une plante pour enrichir le milieu en azote, une plante pour fragmenter mécaniquement la roche-mère en plus petits morceaux… C’est de la science fiction, mais plus pour très longtemps !

Et si Mars la Rouge devenait Mars la Bleue ? Source
Boris

lundi 29 avril 2013

Les mille et une vies d'un atome de carbone



Cette semaine je suis en formation de statistique un peu poussée juste à côté du Mont-blanc, et comme le sous-entend l’expression « statistique un peu poussé », il n’y a que des matheux ou physiciens à mes côtés. J’ai besoin qu’on me parle de biologie !!!! Et la grosse question qui me revient quand je parle de mon sujet de thèse, c’est «  mais pourquoi tu travailles sur le carbone ? ». Et donc je me suis dit que ça pouvait peut-être vous intéresser, vous aussi, de savoir en quoi c’est important d’étudier le carbone dans les écosystèmes. Le carbone, c’est une des clés des cycles de vie à la surface de notre planète. C’est vrai que c’est intéressant de parler des êtres vivants mais savoir ce que la matière devient après est tout aussi important.


Pour un peu que vous ayez suivi vos cours de biologie au collège, vous devez savoir que la matière vivante (les plantes, les animaux, les micro-organismes de toutes sortes) est essentiellement constituée de 3 éléments : le carbone C, l’oxygène O et l’hydrogène H. Ces 3 éléments sont les constituants des sucres dont le glucose C6H12O6 fait partie. Les sucres sont la source d’énergie de tous les organismes hétérotrophes. Etre hétérotrophe signifie qu’on a besoin d’une source d’énergie organique. On parle de substances organiques quand la substance essentiellement est constituée de carbone.


Pour avoir de l’énergie, les organismes hétérotrophes se nourrissent des organismes autotrophes. Ces derniers sont capables de synthétiser de la matière organique à partir de la matière minérale (c’est-à-dire les éléments simples comme le carbone, l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, et les différents sels minéraux) en utilisant soit de l’énergie lumineuse, soit de l’énergie chimique. 






L’énergie permet aux organismes de créer de la matière à partir du moment où ils naissent et jusqu’à leur mort. Savez-vous ce que devient cette matière à la mort des organismes ?

Lorsqu’un animal meurt, son corps reste généralement à l’endroit même où il a donné son dernier souffle. Par la suite soit il est consommé par d’autres animaux appelés nécrophages (organismes qui se nourrissent de cadavres comme des diptères ou des coléoptères) ou saprophytes (organismes qui se nourrissent de matière en décomposition comme la mouche domestique Musca domestica), soit il est dégradé par les micro-organismes. Le plus souvent ces différents acteurs interviennent en synergie lors de la décomposition. Pour les plantes, les organismes morts restent sur place et sont dégradés soit par des forces mécaniques (le broyage et la fragmentation sous l’effet du passage des animaux, de la pluie, du vent,….), soit par l’action biologique et chimique des organismes (production d’enzymes dans le milieu par la méso-faune, la micro-faune et les micro-organismes).

La dégradation des organismes morts est appelée décomposition de la matière organique et consiste en un retour des structures organiques complexes à l’état le plus simple de particules (matière organique particulaire) puis de molécules à base de carbone (matière organique dissoute). Les matières organiques particulaire et dissoute vont être à nouveau transformées soit par des bactéries pour la matière organique dissoute, soit par les champignons pour la matière organique particulaire en éléments minéraux assimilables par les organismes autotrophes. Cependant, les bactéries et les champignons ne sont pas les seuls décomposeurs de la matière particulaire et dissoute, mais cela dépend essentiellement du type d’écosystème et des organismes présents dans le milieu.




(Source)



Il faut noter que certains organismes qui rentrent dans le groupe paraphylétique des protozoaires (par exemple les amibes constituent un groupe biologiquement hétérogène) sont aussi capables d’effectuer cette transformation ultime de la matière organique particulaire en éléments minéraux. Ainsi lorsque la matière a atteint le dernier stade de sa dégradation, le carbone est prêt à intégrer un nouveau cycle de vie.
Ce recyclage du carbone au sein des cycles de vie des organismes constitue une petite partie du cycle du carbone. En effet le carbone passe beaucoup de temps hors des organismes, comme par exemple lorsqu’il est sous forme de CO2 ou encore lorsqu’il est sous forme dissoute dans l’eau et dans le sol (voir l'illustration ci-dessous).

Le cycle du carbone complet selon la NASA: dans l'eau, le sol et l'atmosphère
 

Selon le type d’écosystème (terrestre, marin, aquatique, humide ou sec), la matière organique décomposée peut prendre différentes formes. Par exemple, en milieu terrestre relativement sec, l’humus constitue une matière organique stable qui est déjà fortement dégradée. Il peut être utilisé sous forme de compost pour fertiliser les sols de culture. Vous en avez peut-être déjà utilisé lorsque vous avez planté des arbres dans votre jardin ou lors d’un éventuel rempotage de plantes ?!

L’humus est la couche superficielle du sol, la plus sombre, cette couleur étant due à la richesse en carbone de cette partie du sol.(Source)

Dans les zones terrestres humides, situées à l’interface entre écosystème terrestre et aquatique, la tourbe des tourbières constitue un puits de carbone composé essentiellement de matière organique végétale morte. La tourbe est fréquemment employée comme combustible et, en horticulture et en agriculture, elle est utilisée pour limiter le stress hydrique (la tourbe a forte capacité de rétention de l’eau).  
A gauche, une photo de tourbière humide (Source) et à droite, les amas de bûche de tourbes (Source)... ça c'est du carbone en barre!

En milieu aquatique, la matière organique décomposée n’est pas visible à l’œil nu, mais dans les cas où l’écosystème se trouve fortement enrichi en éléments nutritifs accessibles pour les organismes autotrophes du milieu, les algues et les cyanobactéries peuvent se développer sans limite si les conditions de température sont favorables. C’est le cas par exemple d’un enrichissement des eaux en carbone et en azote dû aux activités (agricoles et industrielles) humaines. Cela peut alors donner lieu à des cas d’eutrophisation des cours d’eau et des lacs.

Du vert dans un lac? Les algues et cyanobactéries sont en plein développement (Source)

Ainsi, que ça soit dans les organismes vivants ou dans le milieu, le carbone se recycle partout.
Après ce petit tour de cycle, on peut se demander combien de fois un atome de carbone intègre-t-il un être vivant ? Et quelles vies ont vécu les atomes de carbone qui constituent nos cellules ? Un de vos carbones aurait-il appartenu à Cléopâtre ? ou à un ptérodactyle ? On pourrait même tout imaginer …


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