mardi 12 mars 2013

Les réseaux neuronaux: le cerveau, une source d'inspiration





Cette semaine le café des sciences nous propose de parler du cerveau. Comme je vous ai récemment parlé de réseaux écologiques, j’ai décidé de rester dans la thématique des réseaux et de vous expliquer avec des mots simples ce que sont les réseaux neuronaux. Parce qu’en fait l’expression « réseau neuronal » est loin d’être explicite. Alors effectivement elle a des fondements biologiques en lien avec les neurones, mais en fait, ça n’a plus grand-chose à voir avec notre matière grise à proprement parler.


 Historiquement, les réseaux de neurones ont été mis en évidence par 4 chercheurs américains au cours des années 60. En 1968, ils publient « What the frog’s eye tells to the frog’s brain », un article qui décrit la structure neuronal chez la grenouille. Ils y expliquent aussi l’organisation du neurone et sa fonction au sein d’une structure complexe, les réseaux de neurones. A la suite de ces observations biologiques, les scientifiques ont schématisé un neurone en trois parties : les dendrites qui constituent les entrées de l’information créée par un stimulus, un corps où l’information est traitée, et l’axone qui représente la voie de sortie de l’information vers d’autres unités neuronales.

Représentation schématique d'un neurone formel


Ce schéma correspond à celle d’un neurone formel. A ce stade, on est tout juste à la jonction entre les réseaux neuronaux biologiques et les réseaux neuronaux mathématiques.
En effet, un neurone formel, c’est une représentation informatique et mathématique du neurone biologique. Un neurone formel, comme les neurones biologiques, ne traîne jamais seul. Les neurones formels sont regroupés en réseaux de neurones artificiels (voir la figure ci-dessous). Ces modèles mathématiques peuvent réaliser des fonctions complexes logiques ou arithmétiques comme en sont capables nos propres réseaux de neurones.  

Un réseau neuronal constitué d'enchaînements de neurones formels, branchés en parallèle. Et encore celui là est simple comparé à ceux qu'on peut trouver!
Alors vous allez me demandez pourquoi je vous ai dit un peu plus tôt que l’expression « réseaux neuronaux » n’était pas explicite ?

C’est parce que les réseaux neuronaux, au sens courant des scientifiques, sont un modèle de calcul qui sont à la fois utilisés comme applications statistiques et comme méthode d’intelligence artificielle (quoi de plus logique pour des neurones !).
Sans vouloir vous assommer avec des explications mathématiques bien trop complexes pour la biologiste que je suis, il est pourtant essentiel de préciser que l’élément révolutionnaire du modèle mathématique neuronal est l’apprentissage. C’est-à-dire que les paramètres du modèle vont s’adapter en fonction des différentes expériences auquel le modèle a à faire face au cours d’une application. En gros, le modèle mathématique va apprendre de ces expériences.

Trêve de maths ! Pour concrétiser un peu les choses voilà quelques applications possibles des réseaux neuronaux. Dans des domaines très variés, on peut les utiliser pour la classification automatique des codes postaux,  la prise de décision pour un achat boursier en fonction de l’évolution des cours, les paris pour les jeux de courses, le décodage de signaux de télédétection émis par les satellites, l’estimation de la valeur d’une entreprise, la modélisation de l’apprentissage et amélioration des techniques d’enseignement ou encore les prévisions météorologiques…
Concernant la biologie et l’écologie, les applications peuvent être aussi diversifiées :
- on peut utiliser les modèles de réseaux neuronaux pour connaître les doses de radioéléments à prescrire et le protocole d’administration au patient dans les traitements contre le cancer. Pour cela on utilisera les données sur des patients antérieurs de même morphologie et avec les mêmes caractéristiques vitales.
- pour prédire le comportement d’une espèce invasive à son introduction dans un milieu, on peut fournir au modèle de réseaux neuronaux les informations obtenues sur les cas précédents d’invasion par cette espèce, comme les paramètres d’extension de l’espèce (reproduction, survie, consommation…) et les caractéristiques du milieu d’accueil.
- les réseaux neuronaux pourront aussi permettre de connaître l’impact de la disparition d’une espèce au sein d’un habitat bien connu et décrit en termes de biodiversité, d’abondance d’espèces et de paramètres physico-chimiques.
- un exemple d’utilisation des réseaux neuronaux est la classification de taxon sur la base d’analyse ADN ou de caractères morphologiques.

Vu qu’on est justement sur un blog de biologie des organismes, je vais vous détailler un peu ce dernier exemple : Les  informations d’entrées dans le modèle de réseau neuronal doivent être numériques. C’est-à-dire qu’on va attribuer une valeur à tous les caractères comparés (morphologiques ou moléculaires) pour chaque taxon qui doit être classé. Le nombre de valeurs d’entrées n’est pas limitée, et plus il y en a, plus l’algorithme donnera un résultat robuste. Sur la base des similarités rencontrées entre chaque couple de taxon (duo, triplet, quadruplet….) le modèle statistique va être capable de produire en sortie, une classification unique dépendant des données d’entrée. En d’autres termes, ça veut dire que si on modifie une de ces données d’entrée ou alors qu’on apporte une information de plus, il réexaminera les relations entre les taxons pour confirmer ou invalider la classification précédemment proposée. La différence avec les autres méthodes de classification, c’est qu’elle garde en mémoire les relations entre tous les couples de taxon pour chaque caractère déjà exploré lorsqu’elle examine un nouveau caractère. Au final elle aura estimé toutes les relations inter-taxons pour chaque caractère et chaque interaction entre caractère. Cette méthode statistique permet également de savoir de quel taxon se rapproche le plus un organisme X sans nécessairement l’inclure dans la classification.

Je ne vous cache pas que les réseaux, et encore plus les réseaux neuronaux, c’est quelque chose d’assez ardu, mais ils ne sont qu’une pâle image de ce qu’on peut trouver dans la nature.

Pour les plus téméraires d’entre vous, voilà un article  sur MSDN Magasine, bien plus technique que le mien, et qui aborde les dessous maths/info des réseaux neuronaux.

Références:
- Lettvin, J.Y., Maturana, H.R., McCulloch, W.S., & Pitts, W.H. (1959) What the Frog's Eye Tells the Frog's Brain, Proceedings of the IRE, Vol. 47, No. 11, pp. 1940-51.




1 commentaire:

  1. Bonsoir. Interessant post comme d'habitude. En revanche je suis un peu surpris par le cote historique. L'article cite est une revue, qui est posterieure de 16 ans a l'article principal de McCulloch and Pitt (McCulloch, W. and Pitts, W. (1943). A logical calculus of the ideas immanent in nervous activity. Bulletin of Mathematical Biophysics, 7:115 - 133.) Lettvin et Maturana n'ont rien a y voir.

    Mais plus important, la structure des neurones, avec dendrites, soma et axone, est connue, elle, depuis plus d'un siecle (Ramon Y Cajal), comme leur integration au sein de reseaux de neurones. (d'ailleurs un precurseur des neurones artificiels est Lapicque, au debut du XXeme siecle, qui est credite, un peu exagerement, d'avoir invente le modele des "spiking neurons")

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