Le titre est on ne peut plus explicite, cet article traite de l’Histoire des avocats. Le fruit, pas le gars. Avant d'atterrir dans votre salade, votre petit avocat a traversé le globe depuis l’Amérique du Sud. Parmi les 6 millions de tonnes annuellement produits, il a eu l’honneur de faire partie des presque 100 000 tonnes importées en France (si c’est là que vous vivez…), deuxième pays le plus friand. Le tout avec une empreinte écologique assez terrifiante, entre une consommation d’eau importante (1000 litres par kilo d’avocats) et un transport qui nécessite camions, réfrigération en bateau et moult emballages (la bête est fragile). MAIS avant de faire ce long voyage géographique, les avocats ont dû faire un plus long voyage encore, un voyage à travers les âges...
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Reconstitution de Megatherium (Source) |
Dans les assiettes préhistoriques
Les avocatiers appartiennent à la famille des Lauraceae, un groupe vieux de plusieurs dizaines de millions d’années. Bien sûr, à l’époque, ils ne devaient pas tellement ressembler à la plante que l’on connaît aujourd’hui. Les fossiles ne laissent cependant aucun doute quant à la présence d’avocats préhistoriques dès le Pliocène, dans l’actuelle Californie(1), d’où ils se sont dispersés vers l’Amérique du Sud.
C’est là que le paresseux géant intervient. Nous sommes au Pléistocène (jusqu’à 2,6 millions d’années avant nous). Les avocats ont déjà la forme globale qu’on leur connaît. Avec une chair bien riche en graisses, appétissante… Une chair qui entoure la graine prête à être dispersée. Beaucoup des animaux actuels n’oseraient pas avaler tout rond un tel met (sachant que le noyau ressort plus ou moins intact…), mais nous sommes à la glorieuse époque de la mégafaune. “Méga”, car les animaux sont géants ! Et c’est probablement parce qu’ils ont co-évolué avec ces animaux que les avocats sont ce qu’ils sont : une graine énorme enfouie dans de la chair très nutritive(2).
La presque extinction des avocats
Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Les animaux géants se délectaient des avocats, et les avocatiers suivaient le mouvement des géants depuis leurs intestins et profitaient de l’engrais naturel qui accompagnait le retour des graines au grand jour (vous voyez l’idée). Jusqu'à ce que le monde des avocats menace de s’écrouler : la mégafaune est en train de disparaître ! Peut-être à cause du réchauffement climatique qui accompagne la fin de l’ère glaciaire (pas la faute des hommes, une fois n’est pas coutume !).
Heureusement, les humains de l’époque ont aussi trouvé le fruit à leur goût (gageons qu’eux n’avalaient pas le noyau), et se sont mis à le cultiver(3). Même si la domestication a sans doute modifié l’allure que peuvent avoir les avocats, ils gardent cette grosse graine que seuls les géants herbivores arrivaient à avaler. Un anachronisme évolutif comme l’a appelé Barlow dans son livre sur “les fantômes de l’évolution”(2).
Petit point étymologique pour finir : “avocat” (en espagnol “aguacate”) est dérivé du mot “ahuacatl” en langue nahuatl. En plus de désigner le fruit, ce mot sert aussi à désigner les testicules. Rapport à la forme…
Références
- Schroeder CA. 1968. Prehistoric avocados in California. California Avocado Society, Yearbook 52: 29-34
- Barlow C. 2000. The Ghosts of Evolution: Nonsensical Fruit, Missing Partners, and Other Ecological Anachronisms. Basic Books, New York.
- Galindo-Tovar ME, Ogata-Aguilar N & Arzate-Fernandez AM. 2008. Some aspects of avocado (Persea Americana Mill.) diversity and domestication in Mesoamerica. Genetic Resources and Crop Evolution 55:441-450
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