Aujourd’hui, une fois n’est pas
coutume, on va parler un peu de science fiction. Ouiiii je sais ce n’est pas
l’objectif du blog, on est supposé parler de ce qui existe sur Terre et pas de
ce qui pourrait exister dans l’espace.
Bref. Il y a quelques temps, je
suis retombé sur un livre égaré au fond de ma bibliothèque : The Mars Trilogy, de Kim Stanley
Robinson. Je dois avouer que, étant un gros flemmard, je l’ai lu en version
française. Pour la faire courte, il s’agit de l’histoire romancée des premiers
humains à avoir colonisé Mars. On nage bien en pleine science fiction. Quoique,
avec le projet Mars One de la NASA, peut-être qu’on n’en est pas si loin… Sans
vous dévoiler l’intrigue de ce livre, quelle ne fut pas ma surprise de
constater que bon nombre de techniques et technologies présentées sont
aujourd’hui bien réelles et utilisées (presque) tous les jours ! Entre
autre, il y a le problème de la terraformation – néologisme décrivant la
transformation d’une planète hostile à l’être humain en planète dont les
conditions naturelles sont semblables à celle de la Terre. Dans le livre de la
trilogie de Mars, les colons font face à ce souci récurrent : comment
faire pousser des plantes à la surface de Mars ?
Alors oui, bien entendu, il y a
le problème de la température (il fait « légèrement » plus froid sur
Mars que sur la Terre, c'est-à-dire une température moyenne de -55°C ; il
vaut mieux ne pas oublier son chandail et ses moon-boots quand on sort faire
son footing) qui empêche directement la croissance des plantes. Mais qu’à cela
ne tienne ! Imaginons un instant que des êtres humains s’installent sur
Mars, ils n’iront pas se faire bronzer tout de suite en haut du Mont Olympus.
Ils resteront probablement enfermés dans des caissons étanches pressurisés. En
effet, en plus de faire plutôt froid à la surface de Mars, l’atmosphère y est
irrespirable pour l’être humain : elle est composée à 95% de CO2.
Par comparaison, l’atmosphère actuelle de la Terre contient 0.04% de CO2
et des études cliniques montrent qu’à partir de 6% ou 7% de CO2 dans
l’atmosphère, on commence à éprouver une gêne respiratoire. Sans compter que la
pression est bien moins importante sur Mars que sur la Terre : elle se
situe à environ 600 Pascal (c’est l’unité de mesure de la pression
atmosphérique) si on fait une moyenne. Il ne faut pas oublier que sur Terre la
pression moyenne est de 101300 Pascal, ce qui fait que la pression
atmosphérique terrestre est environ 170 fois plus importante que celle de Mars.
On va donc éviter pour le moment de sortir sans scaphandre intégral, sous peine
de mourir de froid, d’asphyxie et de pertes de fluides vitaux par tous les
orifices.
Revenons à nos colonisateurs. Quelle
sera leur priorité une fois installés ? Eh bien ils auront à assurer leurs
besoins immédiats : nourriture, air, eau. C’est bien joli d’envoyer tout
ça depuis la Terre, mais au bout d’un moment, manger des conserves, ça fait
péter les plombs ! Du coup, il faudra qu’ils cultivent leur propre
nourriture… Et pour ça, c’est pas compliqué ! Un peu de terreau, quelques
graines et hop ! un potager sous serre ! Oui mais voilà : sur
Mars, il n’y a pas de sol. C’est juste de la pierre nue ! Du coup, des
chercheurs se sont posé la question : est-on à l’heure actuelle capable
d’identifier des plantes qui pourraient potentiellement croitre sur les sols
martiens ? Cet article a déjà été analysé par Pierre Barthélémy sur leblog « passeur des sciences » ou vous pouvez aller voir directement ce que disent les chercheurs hollandaisdans leur article. Tout ça pour dire que, oui, certaines plantes sont bien capables de pousser
sur des sols martiens.
Suite à ça, j’aimerai revenir sur
un point clé : c’est quoi, un sol ? Qu’est ce qui fait qu’un sol est
« bon » pour une plante ? Reprenons du début, et tournons nous
vers le passé avant de regarder vers l’avenir. Prenons l’exemple de la Terre à
l’Ordovicien, période qui se trouve grosso-modo entre -485 et -443 millions d’années.
A peu près. A la louche, quoi. Bref. A cette époque, c’est plutôt vide à la
surface de la Terre – alors que sous l’eau, oh boy, c’est la grande
fiesta ! Mais ce n’est pas vide pour très longtemps : les plantes
chlorophylliennes vont coloniser ce no
man’s land… mais ça ne s’est pas fait en un jour ! Au début, on
trouvait vraisemblablement des organismes proches des lichens, des
cyanobactéries, des organismes résistants mais ne dépassant probablement
quelques centimètres de haut ([1] et [2]). Et c’est là que nous en revenons à notre planète Mars. Car sur la Terre à cette
époque, tout du moins sur les continents, les conditions s’apparentent à ce
qu’on trouve actuellement sur la planète rouge : de la roche nue et
constamment balayée par les vents. Pas terrible pour nos petites plantes actuelles qui ont l'habitude d'avoir un sol profond pour développer leurs racines !
Paysage du Silurien, la période géologique juste avant le Dévonien. Que des petites plantes à ras de terre, qui poussent directement sur la roche nue. Source |
Vous avez déjà du remarquer qu’il
existe différents types de sols, ne serait-ce que lors d’une promenade en
forêt, par comparaison avec les pelouses bien entretenues du parc municipal d’à
côté. Prenons un sol typique, comme montré sur la photo suivante
Une coupe de sol. Source |
Le sol, c’est un gros gâteau, en
fait. C’est un ensemble de couches, appelées « horizons ». Au dessus
du gâteau, le glaçage, c’est la partie vivante du sol, qui comprend la litière
(l’ensemble des feuilles et organismes morts qui se déposent progressivement à
la surface) et l’humus (qui est l’horizon où se retrouve l’ensemble de la
matière organique morte et tous les décomposeurs tels que les vers de terre,
insectes et champignons). C’est l’humus qui est la partie la plus importante du
sol : il contient tous les nutriments nécessaires à la croissance des
plantes terrestres, et en particulier, tout l’azote nécessaire à la synthèse
des protéines des plantes ainsi que le phosphore utilisé dans la construction
des ADN et ARN. C’est pour ça qu’on ajoute des engrais azotés et phosphatés
dans les cultures, car au bout d’un moment ces ressources s’épuisent si le sol
est trop cultivé ! En dessous, dans la génoise du gâteau, on retrouve
progressivement un mélange entre la matière organique morte et la roche-mère
plus ou moins fragmentée. C’est là que se retrouvent aussi toutes les grosses
racines des arbres, qui cherchent toujours plus loin en profondeur l’eau,
élément également essentiel à la croissance des plantes.
Du gâteau, ce sol ! Ou bien est-ce le contraire ? Source |
Et c’est là qu’on arrive à une
autre découverte qui pourrait bien aider les futurs colons martiens :
d’autres chercheurs espagnols ont mis en évidence que certaines plantes étaient capables d’utiliser l’eau
contenue dans les roches. Je précise : contenue dans les roches à
l’échelle moléculaire. On parle ici d’eau de cristallisation, présente
directement dans les cristaux de roches. En particulier cette eau se retrouve dans
le gypse hydraté, appelé également sulfate de calcium hydraté. Ici, l’eau est
associée très étroitement aux autres atomes et est, théoriquement, indisponible
pour les végétaux (pour info, le gypse, une fois chauffé et déshydraté, sert à
faire du plâtre). Eh bien, finalement, peut être pas… les chercheurs ont mis en
évidence avec des études isotopiques que des molécules d’eau, initialement
présentes dans le gypse, se retrouvaient au cours de la journée dans les
plantes qui poussaient directement sur ce minéral. Je ne vais pas détailler la
méthode, mais il est possible de différencier l’eau disponible présente dans le
milieu, de l’eau – normalement – indisponible présente dans les pierres.
Conclusion : certaines plantes, soumises à des conditions de croissances
extrêmement difficiles, possèdent des caractères et des techniques qui leur
permettent de récupérer l’eau contenue dans les roches. Et ce qui est très
intéressant, c’est qu’il existe sur Mars des roches qui se comportent comme le
gypse…
Un peu plus haut, j’ai parlé de
la nécessité pour les plantes d’avoir des composés azotés et phosphatés dans le
sol à leur disposition pour pouvoir croître. Pour revenir à l’étude réalisée
par les chercheurs hollandais, ils ont mis en évidence que les légumineuses
poussaient sans problème sur des sols dépourvus de toute matière organique. En
effet, ces plantes possèdent la capacité de récupérer l’azote atmosphérique et
peuvent donc se développer sans apports provenant du sol… du moment qu’il y a
de l’eau en quantité ! Les légumineuses sont ce qu’on appelle des plantes
pionnières : elles s’installent sur un sol dépourvu ou presque d’éléments
nutritifs, croissent puis meurent, et laissent un sol plus riche qu’au départ
car elles ont fixé l’azote de l’air en matière organique utilisable par
d’autres plantes qui elles, ont besoin de cet apport dans le sol. Le problème
c’est que sur Mars, il n’y a pas ou peu d’azote disponible dans l’atmosphère…
donc là encore, il faudrait que les futurs martiens trouvent comment apporter
de l’azote sur la planète .
La plante idéale pour commencer
une terraformation devrait donc être capable de pousser directement sur la
roche nue, sans apport d’eau, ou presque. Il faudrait cependant que la
technologie protège ces végétaux de la trop faible pression atmosphérique, en
faisant par exemple pousser des forêts sous dômes transparents. Par la suite,
les composés produits par les végétaux pourraient être exportés à la surface
nue de Mars pour commencer à former des sols. Dans un avenir pas si lointain,
en utilisant toutes nos connaissances sur les comportements et les
caractéristiques des différentes plantes, on pourrait être capable d’utiliser
tout un cortège de plantes pionnières afin de préparer des sols viables pour
d’autres générations de plantes plus exigeantes. Imaginez : une plante
pour récupérer de l’eau de cristallisation, une plante pour enrichir le milieu
en azote, une plante pour fragmenter mécaniquement la roche-mère en plus petits
morceaux… C’est de la science fiction, mais plus pour très longtemps !
Et si Mars la Rouge devenait Mars la Bleue ? Source |
«l’humus (qui est l’horizon où se retrouve l’ensemble de la matière organique morte et tous les décomposeurs tels que les vers de terre, insectes et champignons)»
RépondreSupprimerPetite remarque, l'humus n'est pas un horizon du sol.L'humus c'est l'ensemble des constituants organiques du sol résultant de l'humification. C'est à dire que les matières organiques du sol vont se décomposer mais seront transformées en humus avant d'etre minèralisées. Cet enrichissement en matière organique du sol commence dans l'horizon de surface du sol qui peut différer selon son type (horizon minéral ou organique). En sol cultivé il s'agit souvent de l'horizon A. Sa couleur brun/noir indique sa richesse en matière organique.