lundi 26 mai 2014

Les plus petits artistes du monde.

La délicatesse est dans le détail et le détail est dans le minutieux. Encore une fois je vais tenter de vous emmener dans le monde des petits animaux (et comparses). Je vais évoquer certains exemples dont j’ai déjà parlé mais aussi de nouveaux.

Le monde des animaux microscopiques, encore peu exploré, est celui du mystère comme je l’ai expliqué en long, en large et en travers dans un article précédent. Mais c’est aussi un monde d’une délicate beauté. Il est souvent difficile de réaliser à quel point des organismes si petits peuvent développer, voir même utiliser des structures aussi complexes. Et dans ce rôle il n’y a pas seulement les animaux, je vais dévier un peu de mon monde favori pour parler aussi d’autres organismes minuscules qui valent le détour.

Dans cet article je vais éviter de trop approfondir (notamment parce qu’on ne connait pas bien la fonction de tous ces organes). L’idée de cet article est plus esthétique que scientifique !

Vis-à-vis des animaux microscopiques il y a deux sortes de gens : ceux qui connaissent les rotifères et ceux qui ne les connaissent pas. Toute personne qui a pris un microscope et y a déposé un peu de terre de son jardin aura remarqué ces délicats petits animaux. Ils sont un peu les stars du microscope. Mais en dehors des naturalistes possédant cet outil, ils ne sont à peu près connus de personne. Pour faire simple, un rotifère c’est un animal mesurant généralement moins d’un millimètre, pourvus de petites mâchoires et de cils permettant la locomotion et/ou la prise de nourriture, situés uniquement à l’avant de l’animal. Leurs mâchoires généralement constituées de sept pièces masticatrices sont souvent des structures fragiles et pleines de détails. Ils se déplacent aussi grâce à une couronne de cils qui battent de concert. Le battement de ces cils ressemble à un mouvement de vagues reflétant la lumière du microscope dans une magnifiquedanse.

Commençons avec quelques photos de rotifères eux même :

Floscularia, vivant dans un tube. Remarquez les cils qui permettent à l’animal de se nourrir.  (Source: Floscularia)

Filinia longiseta avec ses appendices incroyablement longs : le corps ne fait que 120µm… (Source, Filinia)

Polyarthra major, le rotifère qui s’échappe en sautant. Remarquez les détails des « rames », ces structures en forme de plumes à longeant le corps vers la gauche et tendues en avant vers la droite ! (Source : Polyarthra

Bon voilà pour un très rapide tour des rotifères. Mais ce n’est pas fini, je vous ai parlé de leur mâchoires, en voici encore un aperçu succin. Ces minuscules structures demandent d’être étudiées avec la microscopie électronique pour qu’elles puissent révéler tous leurs secrets.

Sophie a évoqué les bdelloïdes dans son dernier article. Ces derniers cachent beaucoup de surprises, mais Sophie ne vous a pas tout dévoilé (sinon elle aurait pu écrire un livre !), voici leurs mâchoires :

Réalisez juste le niveau de détails par rapport à la taille de l’organe ! Mâchoires (appelées « trophi ») de Philodinavus paradoxus. Chez les bdélloides, elles servent généralement à mastiquer les particules de matière organique. (Source : Philodinavus)

Dans le genre mâchoires terrifiantes :

Les mâchoires de Lindia deridderae, un rotifère prédateur chassant d’autres micro-animaux, incluant d’autres rotifères… (source : Lindia deridderae

Et dans le genre mâchoires improbables :

Les mâchoires de Lindia elsae (même genre que le précédent, pourtant les mâchoires sont très différentes). A quoi peuvent bien servir ces deux spirales asymétriques et dentés à l’arrière des mâchoires ? (Source : Lindia elsae

Et pour les curieux qui en veulent encore et aimeraient observer plus d’improbables petites mâchoires de l’enfer, vous pouvez consulter cette très chouette base de données : mâchoires de rotifères

Toujours pas convaincus ? Plusieurs rotifères ont gagné le concours de photographiemicroscopique 2013 d’Olympus (une compagnie de microscopie), en voici par exemple une magnifique illustration avec les rotifères à « lorica » (ce qui signifie armure) :

Des rotifères autour d’une algue. En bleu la lorica, et en rouge les cils. (Source : rotifères stars)

Et puis parce qu’il faut toujours finir avec ça si on peut, un planche d’Haeckel sur les rotifères : 

Ca se passe de commentaires. Pour le nom des différentes espèces, vous pouvez aller voir ici : source.

Mais il n’y a pas que les rotifères qui ont des mâchoires complexes, mon petit chouchou, le Micrognathozoa (quelques infos , ou ) n’est pas en reste non plus :

Ces mâchoires sont considérées comme les plus complexes chez les animaux microscopiques, jusqu’à plus de trente sous parties ont été dénombrées. (Source : les mâchoires de mon chouchou)

Vis-à-vis des animaux microscopiques il y a trois sortes de gens : ceux qui ne connaissent pas les rotifères, ceux qui les connaissent, et ceux qui s’intéressent même à d’autres trucs encore moins connus !  Comme l’a très bien souligné Sophie, si l’injustice fait que peu de gens connaissent les rotifères, les gastrotriches sont encore moins célèbres, quand bien même ils comptent parmi les animaux les plus abondants de la planète (cf encore mon précédent article). Pourtant ils font partis des plus coquets des animaux, ornementés d’écailles, d’épines, de tubes tous dessinées avec des structures insoupçonnables. Si certains manquent d’esthétique, d’autres révèlent leur beauté une fois placés au microscope.

L’épineux Thaumastoderma vu en microscopie optique. Mais attendez de voir les détails de ces épines… (Source : l'adorable Toto)

Les  épines de Thaumastoderma vues de plus près au microscope électronique à balayage. En fait « Thaumastoderma » signifie « peau surprenante » et on comprend ici pourquoi… D’autant plus que chaque épine mesure environ 10µm.  (Source : Toto le coquet)

L'épineux Acanthodasys avec ses épines et ses écailles. Microscopie confocale à balayage laser, avec auto fluorescence de la cuticule. Photo prise par mes soins.

La partie antérieure de l’étrange Lepidodasys. « Lepido » signifiant écailles, on comprend bien que les écailles sont un caractère important de ce petit monstre. Chacune ne mesure que 10µm. Photo prise par mes soins.

Le hérisson microscopique : Chaetonotus. Les plus longues épines sont coudées et possèdent elles-mêmes des petites épines. Certaines semblent même attachées à des muscles. L’animal mesure une centaine de micromètres au total (un dixième de millimètre). Photo prise par mes soins.

Encore plus mystérieux que les gastrotriches, il y a les loricifères (hop, je vous invite encore une fois à revenir sur mon article précédent). Découverts récemment, et particulièrement difficiles à récolter (il faut les chercher pour les trouver), ces animaux, comptant parmi les plus petit au monde, sont ornementés de structures improbables! Allant même jusqu’à présenter des différences entre mâles, femelles et différents stades de vie. Malheureusement, prendre (et trouver) une photo mettant correctement en valeur les ornementations de ces animaux est difficile, et seul des dessins rendent justice à ces maîtres du détail.

Photo au microscope optique d’un loricifère. Interpréter ensuite ces animaux n’est pas aisé, les dessins rendent donc mieux justice à la finesse de ces animaux. (Source : ver feu d'artifice

Dessin interprétatif de Titaniloricus inexpectatovus. Bien sûr, ne tenez pas compte des légendes, mais elles illustrent bien le niveau de détail de ces animaux. (Source : Gad, 2005

Dessin de Pliciloricus enigmaticus un peu plus stylisé cette fois ci. (Source : dessins de loricifères)


Les foraminifères sont des organismes très souvent microscopiques. Cette fois-ci, ce ne sont pas des animaux, mais des eucaryotes (organismes à noyau cellulaire) unicellulaires. Ces cellules vivent dans une coque, appelée test. Et la cellule en son centre étends des filaments, ou tentacules cellulaires, plus correctement appelés pseudopodes. Déjà complexe comme organisation… Mais le plus magnifique ce sont les formes que peuvent avoir ces tests. Comme des petites coquilles de mollusques microscopiques percées de trous. Microscopiques ? Pas toujours. Ces animaux, aussi unicellulaires soient-ils (difficile de faire plus unicellulaires qu’unicellulaire) peuvent former des tests de plusieurs centimètres. Dans le fossile, on en connait même atteignant une dizaine de centimètres ! Ils forment alors les nummulites, les « roches à pièces » (pensez à la numismatique, le fait de collectionner des pièces). Certains contemporains, atteignent jusqu’à 20 cm, ce qui les place parmi les plus gros organismes unicellulaires. En fait, ces cellules géantes, atteignant ceci dit difficilement le millimètre, sont souvent plus grosses que les animaux que j’ai présentés plus haut, mais leurs formes valent le détour.

Une collection de différents foraminifères observés au microscope électronique à balayage. (Source : collection de foraminifères)


Elphidium crispum, ce genre de foraminifères est relativement commun. (Source : Elphidium) 



Bien évidement Haeckel est encore passé par là. (Source : Haeckel et les forams


Il est parfois un peu dur de comprendre quel est le rôle de si magnifiques ornementations chez les organismes microscopiques. A part le scientifique, qui peut les voir ? Leurs congénères peut-être, mais lorsque l’on est si petit, on ne doit pas voir grand choses quand bien même on a des yeux. Et si ce n’est pas esthétique, à quoi servent des épines si détaillées, des mâchoires si complexes lorsque l’on mesure un dixième de millimètre ? Alors, est-ce simplement un caprice de la nature ? Un cadeau pour les curieux ? Ou simplement qu’à ces dimensions, ça ne compte pas tellement ? J’ai passé sous silence un grand nombre d’autres organismes animaux, ou unicellulaires, mais ce n’était qu’un aperçu très succin des incroyables formes que prennent certains organismes microscopiques !


3 commentaires:

  1. Très très cool ! Je n'arrive pas à savoir ce que je préfère entre les machoires de la mort et les structures de la peau des gastrotriches...
    Sinon dans le genre sympa (mais plus rond), le pollen au microscope c'est joli aussi...
    https://www.google.fr/search?tbm=isch&q=pollen+microscope&hl=fr

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    1. Sans oublier les diatomées qui sont elles aussi, super jolies au microscope ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Bacillariophyta#mediaviewer/Fichier:Haeckel_Diatomea.jpg

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    2. Les gastrotriches, les gastrotriches ! :p Mais c'est vrai que c'est difficile de faire un choix. Puis comme je l'ai dit, j'ai passé sous silence beaucoup d'autres artistes, comme les cocolithophores, les ciliés, certains très jolis tardigrades ou mollusques microscopiques à spicules iridescentes... Bref, c'est tout un monde !

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