La délicatesse
est dans le détail et le détail est dans le minutieux. Encore une fois je vais
tenter de vous emmener dans le monde des petits animaux (et comparses). Je vais
évoquer certains exemples dont j’ai déjà parlé mais aussi de nouveaux.
Le monde des
animaux microscopiques, encore peu exploré, est celui du mystère comme je l’ai
expliqué en long, en large et en travers dans un article précédent. Mais c’est
aussi un monde d’une délicate beauté. Il est souvent difficile de réaliser à
quel point des organismes si petits peuvent développer, voir même utiliser des
structures aussi complexes. Et dans ce rôle il n’y a pas seulement les animaux,
je vais dévier un peu de mon monde favori pour parler aussi d’autres organismes
minuscules qui valent le détour.
Dans cet article
je vais éviter de trop approfondir (notamment parce qu’on ne connait pas bien
la fonction de tous ces organes). L’idée de cet article est plus esthétique que
scientifique !
Vis-à-vis des animaux
microscopiques il y a deux sortes de gens : ceux qui connaissent les
rotifères et ceux qui ne les connaissent pas. Toute personne qui a pris un
microscope et y a déposé un peu de terre de son jardin aura remarqué ces
délicats petits animaux. Ils sont un peu les stars du microscope. Mais en
dehors des naturalistes possédant cet outil, ils ne sont à peu près connus de
personne. Pour faire simple, un rotifère c’est un animal mesurant généralement
moins d’un millimètre, pourvus de
petites mâchoires et de cils permettant la locomotion et/ou la prise de
nourriture, situés uniquement à l’avant de l’animal. Leurs mâchoires
généralement constituées de sept pièces masticatrices sont souvent des
structures fragiles et pleines de détails. Ils se déplacent aussi grâce à une
couronne de cils qui battent de concert. Le battement de ces cils ressemble à
un mouvement de vagues reflétant la lumière du microscope dans une magnifiquedanse.
Commençons avec
quelques photos de rotifères eux même :
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Floscularia, vivant
dans un tube. Remarquez les cils qui permettent à l’animal de se nourrir. (Source: Floscularia) |
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Filinia longiseta avec ses appendices incroyablement longs : le corps ne fait que 120µm… (Source, Filinia) |
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Polyarthra
major, le rotifère qui s’échappe en sautant. Remarquez
les détails des « rames », ces structures en forme de plumes à
longeant le corps vers la gauche et tendues en avant vers la droite ! (Source : Polyarthra) |
Bon voilà pour un
très rapide tour des rotifères. Mais ce n’est pas fini, je vous ai parlé de
leur mâchoires, en voici encore un aperçu succin. Ces minuscules structures
demandent d’être étudiées avec la microscopie électronique pour qu’elles
puissent révéler tous leurs secrets.
Sophie a évoqué
les bdelloïdes dans son dernier article. Ces derniers cachent beaucoup de
surprises, mais Sophie ne vous a pas tout dévoilé (sinon elle aurait pu écrire
un livre !), voici leurs mâchoires :
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Réalisez juste le niveau de détails par rapport à
la taille de l’organe ! Mâchoires (appelées « trophi ») de Philodinavus
paradoxus. Chez les
bdélloides, elles servent généralement à mastiquer les particules de matière
organique. (Source : Philodinavus) |
Dans le genre mâchoires terrifiantes :
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Les mâchoires de Lindia
deridderae, un rotifère prédateur chassant d’autres micro-animaux, incluant
d’autres rotifères… (source : Lindia deridderae) |
Et dans le genre mâchoires improbables :
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Les mâchoires de Lindia
elsae (même genre que le précédent, pourtant les mâchoires sont très
différentes). A quoi peuvent bien servir ces deux spirales asymétriques et
dentés à l’arrière des mâchoires ? (Source : Lindia elsae) |
Et pour les curieux qui
en veulent encore et aimeraient observer plus d’improbables petites mâchoires
de l’enfer, vous pouvez consulter cette très chouette base de données : mâchoires de rotifères.
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Des rotifères autour d’une algue. En bleu la
lorica, et en rouge les cils. (Source : rotifères stars) |
Et puis parce
qu’il faut toujours finir avec ça si on peut, un planche d’Haeckel sur les
rotifères :
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Ca se passe de commentaires. Pour le nom des
différentes espèces, vous pouvez aller voir ici : source. |
Mais il n’y a pas
que les rotifères qui ont des mâchoires complexes, mon petit chouchou, le
Micrognathozoa (quelques infos là, là ou là) n’est pas en reste non plus :
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Ces mâchoires sont considérées comme les plus
complexes chez les animaux microscopiques, jusqu’à plus de trente sous parties
ont été dénombrées. (Source : les mâchoires de mon chouchou) |
Vis-à-vis des
animaux microscopiques il y a trois sortes de gens : ceux qui ne
connaissent pas les rotifères, ceux qui les connaissent, et ceux qui
s’intéressent même à d’autres trucs encore moins connus ! Comme l’a très bien souligné Sophie, si
l’injustice fait que peu de gens connaissent les rotifères, les gastrotriches sont
encore moins célèbres, quand bien même ils comptent parmi les animaux les plus
abondants de la planète (cf encore mon précédent article). Pourtant ils font
partis des plus coquets des animaux, ornementés d’écailles, d’épines, de tubes
tous dessinées avec des structures insoupçonnables. Si certains manquent d’esthétique,
d’autres révèlent leur beauté une fois placés au microscope.
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L’épineux Thaumastoderma vu en microscopie optique.
Mais attendez de voir les détails de ces épines… (Source : l'adorable Toto) |
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Les épines
de Thaumastoderma vues de plus près
au microscope électronique à balayage. En fait « Thaumastoderma » signifie « peau surprenante » et on
comprend ici pourquoi… D’autant plus que chaque épine mesure environ 10µm. (Source : Toto le coquet) |
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L'épineux Acanthodasys avec ses épines et ses écailles. Microscopie confocale à balayage laser, avec auto fluorescence de la cuticule. Photo prise par mes soins. |
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La partie
antérieure de l’étrange Lepidodasys.
« Lepido » signifiant écailles, on comprend bien que les écailles
sont un caractère important de ce petit monstre. Chacune ne mesure que 10µm.
Photo prise par mes soins.
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Le hérisson microscopique :
Chaetonotus. Les plus longues épines
sont coudées et possèdent elles-mêmes des petites épines. Certaines semblent
même attachées à des muscles. L’animal mesure une centaine de micromètres au
total (un dixième de millimètre). Photo prise par mes soins.
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Encore plus
mystérieux que les gastrotriches, il y a les loricifères (hop, je vous invite
encore une fois à revenir sur mon article précédent). Découverts récemment, et
particulièrement difficiles à récolter (il faut les chercher pour les trouver),
ces animaux, comptant parmi les plus petit au monde, sont ornementés de
structures improbables! Allant même jusqu’à présenter des différences entre
mâles, femelles et différents stades de vie. Malheureusement, prendre (et
trouver) une photo mettant correctement en valeur les ornementations de ces
animaux est difficile, et seul des dessins rendent justice à ces maîtres du
détail.
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Photo au microscope optique d’un loricifère. Interpréter
ensuite ces animaux n’est pas aisé, les dessins rendent donc mieux justice à la
finesse de ces animaux. (Source : ver feu d'artifice) |
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Dessin interprétatif de Titaniloricus inexpectatovus. Bien sûr, ne tenez pas compte des
légendes, mais elles illustrent bien le niveau de détail de ces animaux. (Source : Gad, 2005) |
Les foraminifères
sont des organismes très souvent microscopiques. Cette fois-ci, ce ne sont pas
des animaux, mais des eucaryotes (organismes à noyau cellulaire)
unicellulaires. Ces cellules vivent dans une coque, appelée test. Et la cellule
en son centre étends des filaments, ou tentacules cellulaires, plus
correctement appelés pseudopodes. Déjà complexe comme organisation… Mais le
plus magnifique ce sont les formes que peuvent avoir ces tests. Comme des
petites coquilles de mollusques microscopiques percées de trous.
Microscopiques ? Pas toujours. Ces animaux, aussi unicellulaires
soient-ils (difficile de faire plus unicellulaires qu’unicellulaire) peuvent
former des tests de plusieurs centimètres. Dans le fossile, on en connait même
atteignant une dizaine de centimètres ! Ils forment alors les nummulites,
les « roches à pièces » (pensez à la numismatique, le fait de collectionner
des pièces). Certains contemporains, atteignent jusqu’à 20 cm, ce qui les place
parmi les plus gros organismes unicellulaires. En fait, ces cellules géantes,
atteignant ceci dit difficilement le millimètre, sont souvent plus grosses que
les animaux que j’ai présentés plus haut, mais leurs formes valent le détour.
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Elphidium crispum, ce genre de
foraminifères est relativement commun. (Source : Elphidium) |
Il est parfois un
peu dur de comprendre quel est le rôle de si magnifiques ornementations chez
les organismes microscopiques. A part le scientifique, qui peut les voir ?
Leurs congénères peut-être, mais lorsque l’on est si petit, on ne doit pas voir
grand choses quand bien même on a des yeux. Et si ce n’est pas esthétique, à quoi servent
des épines si détaillées, des mâchoires si complexes lorsque l’on mesure un
dixième de millimètre ? Alors, est-ce simplement un caprice de la
nature ? Un cadeau pour les curieux ? Ou simplement qu’à ces dimensions,
ça ne compte pas tellement ? J’ai passé sous silence un grand nombre
d’autres organismes animaux, ou unicellulaires, mais ce n’était qu’un aperçu
très succin des incroyables formes que prennent certains organismes
microscopiques !
Très très cool ! Je n'arrive pas à savoir ce que je préfère entre les machoires de la mort et les structures de la peau des gastrotriches...
RépondreSupprimerSinon dans le genre sympa (mais plus rond), le pollen au microscope c'est joli aussi...
https://www.google.fr/search?tbm=isch&q=pollen+microscope&hl=fr
Sans oublier les diatomées qui sont elles aussi, super jolies au microscope ! http://fr.wikipedia.org/wiki/Bacillariophyta#mediaviewer/Fichier:Haeckel_Diatomea.jpg
SupprimerLes gastrotriches, les gastrotriches ! :p Mais c'est vrai que c'est difficile de faire un choix. Puis comme je l'ai dit, j'ai passé sous silence beaucoup d'autres artistes, comme les cocolithophores, les ciliés, certains très jolis tardigrades ou mollusques microscopiques à spicules iridescentes... Bref, c'est tout un monde !
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